cours:residanat:pneumologie:tabac_et_ses_consequences_sur_l_appareil_respiratoire
Table des matières
Le tabac et ses conséquences sur l'appareil respiratoire
1. Introduction
- Principale cause de mortalité évitable : entraine une majoration des décès par maladies cardiovasculaires et respiratoires
- Lien de causalité directe démontré pour certaines pathologies (BPCO, cancer)
- Influence sur la fréquence, la gravité ou la progression d'autres affections
- Pour d'autres, il pourrait agir comme agent protecteur
2. Le Tabac
2.1. Composition de la fumée de tabac
- Extrêmement complexe : 4000 substances identifiées, dont 40 carcinogènes (hydrocarbures polycycliques, benzo-pyrènes, amines aromatiques, N-nitrosamines, arsenic, polonium…)
- Phase particulaire (0,1 à 1 µ) :
- Substances cancérigènes : hydrocarbures aromatiques, dérivés nitrés hétérocycliques, composés phénoliques
- Irritants (acroléines)
- Métaux (nickel, cadmium)
- Radicaux libres
- Nicotine (⇒ principal agent de dépendance)
- Phase gazeuse :
- CO2 (12-13%), CO (3-6%), CNH (0,1-0,2%)
- Composants organiques volatiles (aldéhydes, cétones, hydrocarbures divers)
- La mesure du CO-expiré est un reflet de la profondeur de l'inhalation de la cigarette par le fumeur
2.2. Effets de la fumée de tabac
- Action sur les bronches, les poumons et le système immunitaire
- Lésions de l'épithélium bronchique (perte des cils, hypertrophie des glandes muqueuses, hyperplasie des cellules caliciformes)
- Inflammation chronique de la muqueuse et de la sous muqueuse
- Inactivation de plusieurs mécanismes anti-inflammatoires, anti-oxydants et anti-protéolytiques (rupture d'équilibre ⇒ emphysème…)
- Augmentation des métabolites oxygénés réactifs (stress oxydant)
- Réduction de l'expression de récepteurs de surface des macrophages ⇒ favorise la colonisation bactérienne
- Transformation métaplasique de l'épithélium respiratoire en épithélium pavimenteux, puis carcinome in situ (carcinogénèse)
3. Tabagisme et maladies bronchiques obstructives
3.1. BPCO
- Prévue pour être la 3e cause de mortalité en 2030, principalement à cause de l'augmentation de le consommation tabagique
- Sur-risque de BPCO chez le fumeur (x 3.51) ; idem homme et femme
- Tabagisme passif (au moins 1h par jour) ⇒ x 1,44
- 15-20% des fumeurs développent une BPCO (sûrement sous-estimé, d'autres études parlent de 50%)
- Risque dose-dépendant (durée et quantité cumulée)
- Relation significative avec la fréquence des exacerbations et le déclin du VEMS
- Bénéfices du sevrage : prévention du risque de BPCO et limite son évolution, réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire et néoplasique bronchique, diminution du risque d'exacerbations et du déclin accéléré du VEMS
- La simple réduction de consommation ne suffit pas
3.2. Asthme
- Effet sur le développement de l'asthme :
- Le tabagisme de la mère (plus que le père), pendant le grosse et les premières années de la vie ⇒ favorise le développement de l'asthme chez l'enfant
- Même le tabagisme chez la grand mère maternelle (effet transgénérationnel, modifications épigénétiques)
- Causes possibles : action de la nicotine in utero, effets sur le système immunitaire, limitation précoce du développement pulmonaire
- Effet du tabagisme actif sur l'asthme :
- Risque de développer un asthme x1.61
- Augmentation de : sévérité et symptômes, morbidité, mortalité, mauvais contrôle, visites aux urgences et exacerbations (x1,71), obstruction (atteinte plus nette des voies aériennes), déclin du VEMS, mauvaise réponse aux BD
- Les phénomènes inflammatoires engendrés par le tabac aboutissent à un phénotype particulier d'asthme ; le diagnostic différentiel asthme/BPCO/chevauchement n'est pas toujours facile
- Diminution de la réponse aux CSI et CSO, à court et à long terme
- Sevrage tabagique :
- Est une priorité dans la PEC de l'asthmatique
- Entraîne : meilleur contrôle, diminution du recours aux médicaments de secours, amélioration de la fonction respiratoire, réduction de l'HRB, amélioration inconstante de la qualité de vie
- Tabagisme passif :
- Influence confirmée chez les enfants asthmatiques : plus de visites aux urgences et d'admission
4. Tabagisme et cancer bronchopulmonaire
- Facteur de risque indéniable et formel, avec relation directe (risque x 11), et pas de seuil minimal
- Élément le plus déterminant : durée d'exposition et consommation cumulée (⇒ début précoce)
- Risque semble supérieur chez la femme (x1.99)
- Tabagisme passif aussi concerné (x1,41)
- Plus grande incidence de métastases pulmonaires du cancer du sein
- Bénéfices du sevrage :
- En prévention primaire :
- Baisse du risque lente : 10 à 15 ans pour que l'espérance de vie rejoigne le jamais-fumeur
- Chez le cancéreux :
- Amélioration : moins de complications respiratoires, efficacité et tolérance de la radiothérapie, efficacité de la chimiothérapie, moins de risque de second cancer
- Amélioration de la survie des formes localisées :
- CBNPC Ia et Ib : survie à 10 ans : 30 PA = 37%, 0 PA = 83%
- CPC localisé (I) : médiane de survie : 13,6 mois contre 18 mois
5. Tabagisme et infections respiratoires
- Le tabac entraîne une altération des défenses des voies aériennes :
- Altération de la clairance mucociliaire et du battement des cils
- Altération fonctionnelle des macrophages alvéolaires (pouvoir bactéricide, fonction de présentation de l'antigène, libération de cytokines pro-inflammatoires)
5.1. Infections bactériennes
- Risque de pneumonie x3, encore plus si BPCO associée
- Plus grande sévérité (tabac = facteur indépendant d'admission en réanimation)
- Augmentation du risque de pneumonie après chirurgie thoracique
- Risque d'infection pneumococcique invasive (hémoculture positive) x4 ; risque de légionellose x3,58, et le tabagisme est retrouvé dans plus de 40% des cas
5.2. Infections virales
- Rhinite virale (rhume) plus fréquente, plus longue et symptômes plus marqués
- Grippe :
- Risque de décès augmenté (x1.78) (le tabac facilite la pénétration du virus par ses effets sur le système immunitaire)
- Risque d'hospitalisation accru
- Efficacité du vaccin diminuée
- Pneumonie varicelleuse : risque x15
5.3. Tuberculose
- Augmentation du risque d'infection latente (x1,91)
- Augmentation du risque de développer une tuberculose maladie (x1,57) ; de même en cas d'exposition passive
- Plus de symptômes, de formes excavées et de rechutes
- Augmentation du risque de décès (x2,15)
- Augmentation du risque de non observance (plus d'effet indésirables et de comorbidités, difficulté à se déplacer au centre de soins, revenues financiers faibles) et donc de non guérison
6. Tabagisme et pneumopathies interstitielles diffuses
Pneumopathies interstitielles diffuses associées à une intoxication tabagique :
- Histiocytose langerhansienne pulmonaire
- Bronchiolite respiratoire du fumeur
- Pneumopathie interstitielle desquamative
- Fibrose pulmonaire idiopathique
- Syndrome emphysème-fibrose
- Pneumopathies infiltrantes diffuses de la polyarthrite rhumatoïde
- Pneumopathie aiguë à éosinophiles
- Hémorragie alvéolaire du syndrome de Goodpasture
6.1. Histiocytose langerhansienne pulmonaire
- Rare chez les non fumeurs : 90-100% des cas sont de grands fumeurs au moment du diagnostic
- C'est une PID kystique
- Syndrome obstructif possible, fonction de l'importance des kystes
- Augmentation de l'hypercellularité alvéolaire totale, formée de macrophages (⇒ traduction de l'intensité quotidienne du tabagisme)
- Pathogénie non entièrement comprise :
- Modification de bronches distales et de leur épithélium (atteinte des petites voies) ⇒ lésions inflammatoires locales ⇒ recrutement de cellules dendritiques (dont les cellules de Langerhans font partie)
- Stimulation de la sécrétion d'ostéopontine par la nicotine (abondante dans le LBA) ⇒ pourrait participer à l'induction des lésions
- Première mesure thérapeutique = sevrage tabagique +++ ⇒ diminue le risque de progression précoce ; peut normaliser le LBA (après 6 mois) ; baisse du risque de décroissance précoce de la fonction respiratoire
6.2. Bronchiolite respiratoire et Pneumopathie interstitielle desquamative
- Ces 2 entités s'observent quasi exclusivement chez de gros fumeurs
- BR : accumulation de macrophages pigmentés dans le lumière des bronchioles respiratoires ; 98% des cas sont des fumeurs actifs, mais elle est possible chez d'ex-fumeurs (même sevrage datant de plusieurs années)
- DIP : très proche de la BR, avec atteinte plus diffuse et distale
- Atteint surtout l'homme jeune, fumeur, entre 40 et 50 ans
- Clinique : toux, dyspnée d'effort, et dans 1/2 cas hippocratisme digital et crépitants
- Imagerie : verre dépoli prédominant en périphérie des lobes supérieurs, en région sous-pleurale
- La biopsie pulmonaire est parfois nécessaire (différentiel)
- Sevrage tabagique = principal traitement
- BR retrouvée chez 88% des patients traités de PNO spontané persistant ou récidivant
6.3. Fibrose pulmonaire idiopathique
- Fumée de cigarette est directement impliquée dans la pathogénie, elle serait un facteur indépendant de risque (FPI x1,11-3,23 ; formes familiales x3,6)
- Influence l'évolution : altération de la survie (ajustée à la sévérité)
- Syndrome d'emphysème et fibrose pulmonaire combinés (SEF) :
- Entité radioclinique individualisée en 2005
- S'observe chez des fumeurs symptomatiques (hommes, > 40 PA, > 65 ans) ; parfois chez des ex-fumeurs ; parfois aussi au cours des connectivites (PR, sclérodermie systémique) surtout si le patient est fumeur ; chez des non fumeurs, exposés à des agents agrochimiques, ou cause génétique
- Imagerie : emphysème aux lobes supérieurs, fibrose aux lobes inférieurs
- Cancer bronchopulmonaire semble assez fréquent
6.4. Autres atteintes interstitielles
- Polyarthrite rhumatoïde :
- PID présente chez 30% des patients, cliniquement parlante chez 5-10%
- Tabac = cause majeur de développement de PR (dans population génétiquement prédisposée)
- Pneumopathie aiguë à éosinophiles :
- Tabac = facteur déclenchant, surtout chez des patients jeunes (18-37 ans), ayant récemment débuté leur tabagisme
- Syndrome de Goodpasture :
- Tabac = facteur de risque important dans la survenue d'hémorragies alvéolaires diffuses
- Asbestose :
- Risque d'asbestose augmenté chez les fumeurs exposés
- Sarcoïdose :
- Le tabac aurait un effet protecteur (2 études, une de 64 patients, l'autre de 60 patients)
- LBA : plus de macrophages et moins de lymphocytes ; VEMS : plus abaissé chez les fumeurs
- Pas d'effet sur l'évolution ou la sévérité
- Études plus récentes et avec plus de patients (98 et 345) : pas de différence de prévalence
6.5. Pneumopathie d'hypersensibilité
- PHS plus fréquente chez les non fumeurs, de manière constante et dans plusieurs études
- Mécanisme de cet effet protecteur mal connu : action inhibitrice de la nicotine sur l'activation des macrophages et la prolifération lymphocytaire (⇒ diminution de production d'anticorps spécifiques)
- Mais : si PHS chez un fumeur ⇒ pronostic plus sombre, évolution fibrosante plus fréquente
7. Divers
7.1. Pneumothorax spontanés
- Facteur de risque majeur
- PNO secondaire à rupture de blebs (bulle sous-pleurale emphysémateuse), dues à l'inflammation des bronchioles distales
- Fumée de cannabis également incriminée (majoration du risque en cas de co-consommation)
7.2. Pathologie professionnelle
- L'exposition au tabac augmente le risque de pathologie professionnelle du sujet co-exposé (radon, uranium, amiante…)
7.3. Syndrome d'apnée du sommeil
- Deux fois plus de risque de faire un SAS, qui est souvent plus sévère
- Causes : inflammation des voies respiratoires supérieures et possible modification de l'architecture du sommeil
7.4. Consommation conjointe de cannabis
- Majoration des risques de cancer de BPCO
8. Conclusion
- Le tabac est un facteur causal ou favorisant de nombreuses maladies bronchopulmonaires : BPCO, asthme, cancer +++
— Résumé basé sur Peiffer G, et al. Les effets respiratoires du tabagisme. Rev Pneumol Clin (2018), https://doi.org/10.1016/j.pneumo.2018.04.009//
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