Table des matières
Pneumonies à germes intra-cellulaires
Objectifs pédagogiques :
- Connaitre la présentation clinique typique d'une pneumonie à germe intra-cellulaire (clinique insidieuse, signes extra-respiratoires)
- Connaitre les germes à développement intra-cellulaire et leur pathogénie
- Connaitre les antibiotiques à diffusion intra-cellulaire
1. Généralités
1.1. Définition et cadre nosologique
- Ensemble d'infections pulmonaires à germes intra-cellulaires, réalisant le plus souvent un tableau de pneumopathies atypiques
- Sont exclus : viroses, parasitose (protozoaires, pneumocystis), mycoses (aspergillus) et …
1.2. Rappel physiopathologique
- Pénétration d'un agent infectieux dans l'organisme ⇒ réponse immunitaire dont les modalités dépendent de la nature de l'agent
- Germes intra-cellulaires ⇒ réponse à médiation cellulaire principalement ⇒ destruction de la cellule infectée
1.3. Intérêt de l'étude
- Fréquence : difficile à apprécier (difficulté diagnostic étiologique)
- Facteurs de gravité
1.4. Rappel de bactériologie
- Bactéries (non pas virus) : matériel génétique complet ADN et ARN
- Sensibles aux antibiotiques
- Mais incapables de se développer sur milieu artificiel (seulement à l'intérieur de cellules)
2. Étude clinique
Type de description : Pneumonie à Mycoplasma pneumoniae
- Pneumonie atypique du sujet jeune
- Épidémies cycliques (collectivités)
- Incubation longue (12 à 14 jours)
- Début souvent progressif :
- Syndrome pseudo-grippal (malaise général, myalgies, céphalées, fièvre quasi constante, frisson)
- Pharyngite
- Adénopathies cervicales
- Tous constante, opiniâtre, parfois quinteuse
- Douleur thoracique
- Otalgies parfois violentes
- Rales bronchiques, parfois humides
- Images radiologiques : surtout basales hilifuges, nettes entre J4 et J16
- Leucocytes normaux ou légèrement élevés (10 à 15.000), neutropénie plus significative mais rare
- Certitude :
- Directe : culture sur milieu spécial (6 semaines)
- Indirect : ascension significative du taux d'Ac spécifiques sur 2 prélèvements à 3 semaines intervalle
- Évolution bénigne le plus souvent, chez le sujet jeune non taré
- Rechute/récidive dans 10% des cas
- Complications rares : pleurales, ORL, cutanées, neurologiques (polynévrites, méningoencéphalites), myocardiques et péricardiques exceptionnelles
3. Diagnostic positif
3.1. Diagnostic de présomption
- Anamnèse :
- Profession exposée, vie en collectivité
- Contact avec des insectes, rongeurs et ruminants domestiques
- Insalubrité des système de climatisation, des installations sanitaires et des respirateurs
- Radio-clinique :
- Tableau de pneumonie atypique (début progressif, syndrome pseudo-grippal, toux sèche durant plus de 15 jours)
- Syndrome interstitiel réticulo-micronodulaire discret (peu denses, non confluents, prédominant aux hiles et aux bases) ; épaississement des gaines bronchovasculaires (aspect de verre dépoli aux bases) ; trainées hilifuges
- Arguments biologiques
3.2. Diagnostic de certitude
- Rarement fait, traitement souvent probabiliste
- Isolement d'un germe prédominant (sang, liquide pleural, expectoration ⇒ rendement médiocre, fibroaspiration ou ponction transtrachéale)
- Mycoplasma pneumoniae :
- Direct : culture sur milieu spécial (6 semaines)
- Indirect : ascension des Ac spécifique (3 semaines intervalle)
- Chlamydia psittaci :
- Direct : isolement (labo très spécialisé)
- Sérodiagnostic du groupe Chlamydia : Ac maximaux en 3 à 4 semaines
- Legionella pneumophila :
- IFD (en quelques heures) : sur biopsie pulmonaire, liquide pleural ou sécrétions
- Sérologie (3 semaines d'intervalle)
- Culture sur milieu spécial (2 à 15 jours)
- Antigène urinaire
- Coxiella burnetti (pseudo-Rickettsies) :
- Mise en évidence (labo très spécialisé)
- Mise en évidence d'Ac par microagglutination
4. Diagnostic différentiel
- Autres agents pathogènes (virus, bactéries, parasites, tuberculose)
- Pneumopathies non infectieuses (PID…)
- Cancer
5. Diagnostic étiologique
5.1. Mycoplasma pneumoniae
Voir Étude clinique
5.2. Légionelle pneumophila
- Déclaration obligatoire
- Découverte en 1976 (épidémie lors d'un congrès d'anciens combattants à Philadelphie)
- 2 à 15% des pneumonies communautaires (USA et UE)
- Contamination par l'eau colonisée inhalée (brumisation, aérosolisation, climatisation, douche…) ; pas de contamination inter-humaine
- Incubation de 2 à 10 jours, moins chez l'immunodéprimé
- Pneumonie avec syndrome infectieux et signes respiratoires, pouvant aller jusqu'à la détresse respiratoire
- Symptômes extra-respiratoires possibles :
- Neurologique : confusion, agitation, céphalées
- Digestif : diarrhée
- Rénal : oligurie, protéinurie, hématurie, rarement insuffisance rénale aiguë
- Diagnostic :
- Recherche d'Ag bactériens (urines) : spécificité > 95%, sensibilité proche de 80% dès le début de la maladie, résultat rapide
- Sérologies : intérêt épidémiologique
- Mise en évidence du germe par IFD
- Détection génomique (PCR) : recherche
5.3. Chlamydia psittaci
- 10 à 15% des pneumonies communautaires
- Contamination directe par les déjections d'oiseaux (réservoir de germes)
- Début parfois brutal, ou progressif en quelques jours
- Toux
- Température modérée
- Malaise général, myalgies parfois
- Amaigrissement de quelques Kg possible
- Sous-crépitants aux bases
- ADP hilaires possibles
- Biologie :
- Hyperleucocytose avec hyper-PNN souvent
- Isolement du germe
- Recherche d'Ac spécifiques (élévation à partir de la première semaine, max à 3 ou 4 semaines, puis dégresse et devient nul vers la 10e semaine)
5.4. Coxiella Burnetti
- Agent de la fièvre Q (zoonose)
- Prévalence mal connue car maladie souvent bénigne et asymptomatique
- Contamination aérienne ou cutanée, plus souvent à partir de ruminants domestiques (principal réservoir)
- Incubation 1 à 3 semaines
- Signes non spécifiques :
- Syndrome pseudo-grippal (asthénie, fièvre, frissons, céphalées, arthralgies)
- Pneumonie atypique, avec parfois détresse respiratoire
- Atteinte hépatique
- Parfois : péricardite, myocardite, méningo-encéphalite, éruption cutanée
- Diagnostic :
- Isolement sur culture cellulaire (5 à 7 jours de culture)
- Sérologie +++, techniques multiples (IFI = technique de référence), recherche d'Ac sérique doit se faire entre J7 et J20
6. Critères d'hospitalisation
Score CRB65 : outil simple, utilisable en consultation (se base que sur des critères cliniques)
- C : confusion
- R : respiration ≥ 30 c/min
- B : blood pressure : PAS < 90 mmHg ou PAD ≤ 60 mmHg
- 65 : âge (physiologique beaucoup plus que civil) ≥ 65 ans
1 item ou plus ⇒ évaluation à l'hôpital
0 item ⇒ traitement ambulatoire
Critères d'hospitalisation (AFSSAPS 2010) :
Critères majeurs : (1 seul ⇒ hospitalisation recommandée)
- Signes de gravité :
- Atteinte des fonctions vitales :
- Altération de l'état de conscience
- PAS < 90 ou PAD < 60 ou marbrures
- Fc > 120
- Fr > 30 ou signes de détresse
- T° < 35 ou > 40
- Hypoxie
- Complications locorégionales (empyème, excavation, extension des lésions)
- Atteintes extrapulmonaires/systémiques :
- Insuffisance rénale ou hépatocellulaire
- CIVD (la thrombopénie doit attirer l'attention)
- Leuconeutropénie
- Échec d'une antibiothérapie ambulatoire préalable
- Prise d'AINS
- Pneumonie d'inhalation (trouble de la déglutition) ou obstructive sur obstacle connu ou suspecté
- Situation compromettant le traitement ambulatoire :
- Précarité, perte d'autonomie
- Inobservance prévisible
- Vomissements, intolérance digestive
Autres critères liés au terrain : 2 items OU 1 item + âge > 65 ans ⇒ hospitalisation recommandée
- Âge > 65 ans
- Comorbidités :
- Alcool/Tabac
- Insuffisance cardiaque congestive
- Maladie cérébrovasculaire
- Maladie rénale chronique
- Hépatopathie chronique
- Diabète non équilibré
- BPCO avec TVO
- Néoplasie évolutive
- Immunosuppression (CTC, immunosuppresseurs, splénectomie, chimiothérapie, VIH, cachexie…)
- Drépanocytose homozygote
- Antécédent de pneumonie bactérienne
- Hospitalisation dans l'année
- Vie en institution
Score de FINE : pronostic des pneumonies communautaires
Variables | Points |
---|---|
Démographie | |
Homme | Age |
Femme | Age - 10 |
Maison de retraite | 10 |
Comorbidités | |
Cancer évolutif | 30 |
Hépatopathie chronique | 20 |
Insuffisance cardiaque congestive | 10 |
Maladie cérébro-vasculaire | 10 |
Insuffisance rénale | 10 |
Examen clinique | |
Altération du statut mental | 20 |
FR > 30 c/mn | 20 |
PAS < 90 mmHg | 15 |
T° < 35°C ou > 39°C | 10 |
FC > 124 bpm | 10 |
Examens para-cliniques | |
pH artériel < 7,35 | 30 |
Urée > 10 mmol/L (0,6 mg/L) | 20 |
Na+ < 131 mmol/L | 20 |
Glycémie > 13 mmol/L (236 mg/dl) | 10 |
Hématocrite < 31% | 10 |
PaO2 < 60 mmHg | 10 |
Épanchement pleural | 10 |
—
Classe | I | II | III | IV | V |
---|---|---|---|---|---|
Points | - | 70 | 71-90 | 91-130 | > 130 |
% Réanimation | 4,3 | 4,3 | 5,9 | 11,4 | 17,3 |
% Mortalité | 0,1 | 0,6 | 0,9 | 9,3 | 27,0 |
Classe I = Patient < 50 ans, sans aucun des items du terrain et de l'examen clinique ; tous les autres sont à classer entre II et V
En pratique, on hospitalise quand :
- Signe de gravité OU
- Incertitude diagnostic OU
- Échec du traitement ambulatoire OU
- Risque de décompenser une comorbidité OU
- Difficulté prévisible à la prise en charge ambulatoire (condition socio-économique, inobservance prévisible, isolement, perte d'autonomie, intolérance digestive…)
Cas litigieux : envisager une hospitalisation de courte durée pour surveillance initiale rapprochée (48-72h)
7. Traitement
7.1. Antibiotique
7.1.1. Germe non identifié (probabiliste)
- Sans critère de gravité : Macrolide (Érythromycine 1 MUI 3x/j ou autre)
- Avec facteur de risque et/ou critère de gravité : Quinolone (Lévofloxacine 500 mg 2x/j, attention aux effets secondaires (convulsions, troubles du rythme…))
- Durée du traitement :
- 7 jours minimum en ambulatoire, 10 jours avec facteur de risque ou signe de gravité
- Évaluation après 48h de traitement bien conduit :
- Pas d'amélioration ⇒ réajustement
- Après 6 jours ⇒ hospitalisation, diagnostic reconsidéré
7.1.2. Germe identifié
- Legionella pneumophila : Macrolide ou Quinolone (Ciprofloxacine)
- Mycoplasma pneumoniae : Tetracycline, Macrolide, Quinolone
- Chlamydia psittaci : Tetracycline 1,5 g/j, prolongé
- Coxiella burnetti :
- Forme aiguë : Tetracycline (doxycycline), Cotrimoxazole si contre-indication (femme enceinte notamment)
- Forme chronique : Doxycyline seule ou associée à une fluoro-quinolone pendant au moins 3 ans ; n'arrêter qu'après contrôle sérologique ; contrôles réguliers pour détecter les rechutes
7.1.2.1. Traitement prophylactique
- Legionella pneumophila :
- Qualité microbiologique de l'eau, à l'hopital (aérosols, humidificateurs, oxygénothérapie) et au domicile (hygiène et entretient)
- Coxiella burnetti :
- Hygiène et bonnes pratiques d'élevage
- Lutte contre les tiques
- Masques pour les personnels d’abattoirs
- Éviter le lait cru chez la femme enceinte
- Vaccination des personnels exposés (laborantins, éleveurs, vétérinaires, employés d’abattoirs…)
- Mycoplasma pneumoniae :
- Aucune méthode, pas de vaccination ni d'antibiothérapie prophylactique (inefficace)
- Chlamydia psittaci :
- Adjonction de tétracycline à la nourriture des oiseaux
8. Conclusion
- Lors d'une pneumonie, l'antibiothérapie est une urgence relative et ne doit pas être retardée par les examens para-cliniques
- Le traitement initial repose donc sur l'analyse du tableau, de la gravité et des facteurs de risque
— Résumé basé sur le cours de Pr. Zitouni