cours:residanat:pneumologie:lymphomes_malins_non_hodgkiniens
Table des matières
Les lymphomes malins non Hodgkiniens
1. Introduction
- Proliférations monoclonales des lignées lymphocytaires B et T ⇒ syndrome lymphoprolifératif
- Responsables de tumeurs au niveau des organes lymphoïdes (ganglions +++), mais aussi de territoires non lymphoïdes (≠ maladie de Hodgkin)
- Seul l'histologie les distingue de la maladie de Hodgkin (absence de cellules de Reed Sternberg)
2. Épidémiologie
- Pays développés :
- Plus fréquentes des hémopathies malignes (15/100.000/an)
- Incidence en forte augmentation entre 1980 et 2005
- H/F = 1,5
- Médiane d'âge = 60 ans (la plupart sont plus fréquents chez le sujet âgé)
- Mortalité en diminution depuis les années 2000 (progrès thérapeutiques)
- Algérie : étude nationale rétrospective sur 10 ans (1993-2002) sur l'ensemble des 13 service d'hématologie du pays prenant en charge les LMNH
- Incidence moyenne : 5,22/100.000/an (sud = 1,46 - ouest = 6,25)
- Âge moyen = 49 ans (16 à 98 ans), 2 pics de fréquence : avant 35 ans et 60-69 ans
- H/F = 1,42
- Histologie :
- 30% de lymphomes indolents (dont 40% de lymphomes folliculaires)
- 70% de lymphomes agressifs (dont 56% de phénotypes B)
3. Étiologies
Certains facteurs sont clairement identifiés, mais ils ne concernent qu'une petite partie des LMNH
3.1. Facteurs infectieux
- Virus Epstein-Barr (EBV) :
- Retrouvé dans 95% des lymphomes de Burkitt endémiques Africains, et 15% des formes non endémiques
- Se rencontre également dans les lymphomes des immunodéprimés (dans 50-70% des lymphomes après transplantation ou VIH)
- Il s'agit le plus souvent de lymphomes B
- Human T Lymphoma/Leukemia Virus (HLTV-1) :
- Associé à la leucémie et au lymphome à cellule T
- 1 à 5% des séro-positifs à HLTV-1 développent une leucémie ou un lymphome T à l'âge adulte
- VIH : Réduction de la capacité d'immunosurveillance des cellules infectées par EBV ⇒ favorise l'apparition de lymphoprolifération
- Hépatite C : Peut se compliquer de cryoglobulinémie et de lymphomes B de faible malignité
- HHV (Human Herpes Virus) :
- HHV-6 : virus lymphotrophe, isolé chez les patients (relation de cause à effet incertaine)
- HHV-8 : associé à certains lymphomes à présentation clinique particulière (atteinte des séreuses), le plus souvent au cours du SIDA ; c'est probablement une co-infection avec EBV mais mécanisme inconnu
- Hélicobacter pylori : Lien avec le lymphome gastrique MALT bien établi (retrouvé dans 90% de ces lymphomes sur coupes tissulaires)
- Campylobacter jejuni : Associé à une augmentation du risque de développer une forme particulière de lymphome de l'intestin grêle : le lymphome méditerranéen
3.2. Facteurs immunologiques
Les déficits immunitaires (congénitaux/acquis) s'accompagnent d'une incidence accrue de lymphomes
- Déficits congénitaux : surtout :
- Ataxie-télangiectasie : maladie héréditaire autosomique récessive
- Syndrome de Wiskott-Aldrich : purpura thrombopénique apparaissant chez les nourrissons masculins ; carence immunitaire avec dysgammaglobulinémie, augmentation des IgA, diminution des IgM, thrombopénie associée
- Déficits acquis :
- SIDA : incidence estimée à 5-10%, augmente avec la prolongation de la survie ; les lymphomes du SIDA sont caractérisés par :
- Phénotype B, agressivité clinique (lymphome de Burkitt, lymphome diffus à grandes cellules)
- Localisations extra-ganglionnaires (cérébrale, digestive, médullaire)
- Transplantation : surtout si utilisation de protocoles immunosuppresseurs forts (ex. ceux incluant des Ac monoclonaux anti-lymphocytaires) ; incidence maximale dans les transplantations cœur-poumon
- Maladies dysimmunitaires :
- Gougert-Sjögren : incidence ×40 (lymphomes B)
- Thyroïdite de Hashimoto : lymphomes thyroïdiens
- PR, LED, Sclérodermie, Sarcoïdose, Maladie cœliaque
3.3. Toxiques environnementaux
- Benzène, solvants organiques, dioxine, herbicides contenant des acides phénoxyacétiques, caoutchouc, pesticides, poussières de coton et de bois ⇒ accusés de favoriser le développement des LMNH (relation causale difficile à affirmer)
4. Diagnostic positif
4.1. Clinique
- Atteinte ganglionnaire :
- Examen clinique minutieux indispensable
- Toutes les aires peuvent être touchées (surtout cervical et axillaire)
- ADP souvent multiples et volumineuses, compressives et très évolutives
- Atteintes extra-ganglionnaires :
- Fréquentes, tous les tissus peuvent être touchés
- Le plus souvent : moelle osseuse, rate, tube digestif, sphère ORL, peau, poumon, foie, plèvre, os, reins, système nerveux central
- Signes généraux : variables et inconstants
- Fièvre isolée (significative si > 38°C pendant 15 jours, sans explication infectieuse)
- Sueurs abondantes, surtout nocturnes
- Amaigrissement de 10% en 6 mois
- Asthénie inexpliquée
- État inflammatoire
4.2. Examens complémentaires
- Biologie :
- FNS : possible cytopénies par envahissement médullaire, présence de cellules lymphomateuses circulantes (suggère une conversion leucémique)
- Bilan rénal et hépatique
- LDH
- EPP
- Béta-2-microglobuline sérique pour les LMNH de bas grade
- Biopsie ostéo-médullaire (infiltration médullaire)
- Sérologie VIH de principe
- Imagerie :
- Bilan des ADP profondes : TLT, TDM TAP
5. Classifications
5.1. Classification histologique
- Grande importance pour la PEC thérapeutique
- Basée sur histologie et immunohistochimie (marqueurs B : CD20 ; marqueurs T : CD3)
- Différencie les lymphomes indolents des agressifs
Classification de Kiel actualisée :
B | T | |
---|---|---|
Faible malignité (lymphomes indolents) | - Lymphocytaire - Lymphoplasmocytaire (immunocytome) - Plasmocytome - Centroblasto-centrocytique - Centrocytique | - Lymphocytaire - Lymphoépithélioïde (lymphome de Lennert) - Angio-immuno-blastique - Lymphome des zones T - Pléiomorphe à petites cellules (HLTV-1) |
Malignité élevée (lymphomes agressifs) | - Centroblastique - Immunoblastique - Anaplasique - Lymphome de Burkitt - Lymphoblastique | - Pléiomorphe à cellules moyennes et grandes - Immunoblastique - Anaplasique - Lymphoblastique |
Classification OMS :
B | T | |
---|---|---|
Indolents | - Lymphocytaire - Lymphoplasmocytaire - Folliculaire | |
Agressifs | - Diffus à grandes cellules | - Anaplasique à grandes cellules - T périphérique - T angioimmunoblastique |
Très agressifs | - Burkitt - Lymphoblastique | - Lymphoblastique |
5.2. Classification clinique
- Bilan d'extension indispensable après diagnostic histologique
- Pour faire l'inventaire des localisations associées et apprécier l'étendue de la maladie ⇒ décision thérapeutique
- Certaines localisations ont une importance pronostic (moelle osseuse), ou nécessite une PEC spécifique (SNC)
Classification d'Ann-Arbor :
Stade I | I | Une seule aire ganglionnaire |
---|---|---|
IE | Une seule localisation lymphoïde extra-ganglionnaire (rate, thymus, Waldeyer) | |
Stade II | II | Deux ou plusieurs aires ganglionnaires d'un même coté du diaphragme |
IIE | Atteinte extra-ganglionnaire contiguë à une ou plusieurs localisations ganglionnaires d'un même coté du diaphragme | |
Stade III | III | Atteinte de plusieurs aires ganglionnaires de part et d'autre du diaphragme |
IIIE | Localisation extra-ganglionnaire contiguë | |
IIIS | Localisation splénique | |
IIIE+S | Les deux | |
Stade IV | Atteinte d'un ou plusieurs viscères, non contiguë à l'atteinte ganglionnaire |
Signes généraux :
A | Absence de signes généraux systémique | |
---|---|---|
B | Présence d'au moins 1 de ces signes : - Fièvre > 38°C pendant plus d'une semaine - Amaigrissement > 10% en 6 mois - Sueurs nocturnes (obligeant le malade à se changer) |
Index Pronostic International :
Paramètre | Bon pronostic | Mauvais pronostic |
---|---|---|
Âge | ≤ 60 ans | > 60 ans |
Ann-Arbor | I-II | III-IV |
PS | 0-1 | ≥ 2 |
Localisations extra-ganglionnaires | 0-1 | ≥ 2 |
LDH sérique | ≤ N | > N |
Facteurs de mauvais pronostic :
Lymphomes nodulaires ou indolents | Lymphomes diffus, à grandes cellules B (dits agressifs) |
---|---|
- Âge > 60 ans - Signe cliniques (B) - Envahissement médullaire - Bêta-2-microglobuline ≥ 3 mg/l - LDL > 180 UI/l - Hypoalbuminémie < 35 g/l - Anémie (< 12 g/dl) - Masse tumorale > 7 cm - Épanchement séreux spécifique - Syndrome compressif - SPM (grand axe > 20 cm) | - Âge > 60 ans - Stades III ou IV - Atteintes extra-nodales ≥ 2 - LDH augmenté - Bêta-2-microglobuline augmenté - PS ≥ 2 - Lymphocytose élevée - Mauvaise réponse après 2 cures - Lymphome T - Notion de récidive |
Classification d'Ann-Arbor modifiée :
Stade I | Atteinte ganglionnaire limitée à un territoire anatomique, atteinte extra-nodale unique |
---|---|
Stade II | Atteinte de plusieurs territoires ganglionnaires du même coté du diaphragme |
Un seul territoire nodale + une ou plusieurs localisations extra-nodales contiguës, accessibles à irradiation curatrice - Ex. atteinte médiastinale avec extension pulmonaire contiguë - Ex. atteinte ganglionnaire avec extension sinusienne et orbitaire contiguë |
|
Une seule atteinte extra-nodale + une ou plusieurs localisation ganglionnaires contiguës, accessible à irradiation curatrice - Ex. atteinte gastrique avec extension ganglionnaire contiguë - Ex. atteinte de la paroi thoracique avec extension aux ganglions de la chaîne mammaire interne |
|
Stade III | Atteintes ganglionnaires de part et d'autre du diaphragme +/- atteinte splénique |
Stade IV | Atteinte extra-nodale + atteinte ganglionnaire non contiguë Plusieurs atteintes extra-nodales non contiguës - Ex. atteinte de l'amygdale et de l'estomac - Ex. 2 localisations cutanées non contiguës Toute association d'atteinte(s) ganglionnaire(s) et extra-nodale(s) ne permettant pas d'irradiation curatrice - Ex. atteinte médiastinale avec pleurésie abondante |
6. Atteinte thoracique des LMNH
- 10 à 25% d'atteinte pulmonaire ou pleurale lors du bilan initial
- Plus élevée dans les formes de haute malignité ; plus rares dans les indolents, mais constituent alors un facteur de mauvais pronostic (décès dans les 6 mois le plus souvent)
- Atteintes pulmonaires plus fréquentes au cours des rechutes
- Découverte le plus souvent après radiographie systématique, parfois devant des symptômes non spécifiques
- Peut donner un tableau d'insuffisance respiratoire rapidement progressive
- Aspect radiologique : différent selon le type histologique
- Infiltrats : plus fréquents dans les lymphomes diffus à petites cellules, rares dans les lymphomes folliculaires
- Micronodules : rares
- Images nodulaires et opacités rondes : surtout dans les lymphomes à grandes cellules
- Les épanchements sont isolées dans la moitié des cas, associés à une atteinte parenchymateuse (infiltrats) dans l'autre moitié
- Atteintes ganglionnaires médiastinales associées peu fréquentes (dans seulement un quart des cas d'atteinte thoracique), à la différence de la maladie de Hodgkin
7. Bilan pré-thérapeutique initial
- Interrogatoire et examen clinique :
- État général selon échelle ECOG d'activité (PS) :
- 0 : activité normale
- 1 : présence de symptômes avec poursuite d'une activité ambulatoire
- 2 : Incapacité à travailler, alitement dans la journées < 50% du temps
- 3 : Alitement > 50% de la journée
- 4 : Alitement permanent, nécessité d'une aide permanente
- Inventaire précis des lésions accessibles à l'examen clinique :
- Aires ganglionnaires, mensuration des ADP
- Flèche hépatique
- Mesure du débord splénique
- Examen cavité buccale (anneau de Waldeyer)
- Examen de la peau et du cuir chevelu
- Examens biologiques : certains sont systématiques :
- Hémogramme + Frottis (signes d'atteinte médullaire, conversion leucémique)
- LDH sérique
- Bilan hépatique, rénal
- EPP
- Ponction biopsie osseuse : envahissement médullaire
- Examens d'imagerie :
- TLT face + profil
- Échographie abdominale
- TDM TAP = référence pour estimer la réponse au traitement
- Échographie cardiaque (anthracyclines)
8. Traitement
- Protocole CHOP = plus utilisé et recommandé par la plupart des auteurs en première intention : même résultats (rémission, survie globale et survie sans rechute) dans les LMNH agressifs stades III et IV que les protocoles de 2e et 3e génération plus toxiques
- Il associe :
- Cyclophosphamide (Endoxan™) : 750 mg/m², IV, J1
- Hydroxy-adriamycine (Adriblastine™) : 50 mg/m², IV, J1
- Vincristine (Oncovin™) : 1,4 mg/m², IV, J1
- Prednisone : 60 mg/m², PO, J1 à J5
- Cycles de 21 jours, sous surveillance clinique
- Hémogramme avant chaque cure (réponse hématologique)
- Si réponse : 8 cures dans les formes étendues (III et IV), 4 dans les formes localisées (stades I et II)
- Radiothérapie complémentaire possible : 40 Gy/semaine
Résultats :
- Taux de rémission complète de 50-70%, avec ou sans radiothérapie
- Survie globale :
- Lymphomes indolents : 75% à 79 mois
- Localisés : 100%
- Étendus : 62%
- Lymphomes agressifs : 75% à 84 mois
- Localisés : 82%
- Étendus : 66%
- Survie sans rechute :
- Lymphomes indolents : 40% à 42 mois
- Localisés : 70%
- Étendus : 20%
- Lymphomes agressifs : 73% à 7 ans
- Localisés : 89%
- Étendus : 66%
9. Conclusion
- Pathologie fréquente et en augmentation
- Progrès des outils diagnostic ⇒ modification des classifications, notamment à usage clinique
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