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cours:residanat:pneumologie:les_tumeurs_thymiques

Les tumeurs thymiques

1. Introduction - Épidémiologie

  • Tumeurs épithéliales du thymus = thymomes et carcinomes thymiques
  • Tumeurs rares (tumeurs orphelines)
  • Représentent 20% des tumeurs médiastinales, 50% dans le médiastin antérieur
  • Survient surtout chez l'adulte entre 40 et 50 ans, légère prédominance féminine
  • En l'absence de maladie auto-immune : 65% de découverte fortuite, 35% signes +/- spécifique de compression ou d'envahissement (douleur, toux, dyspnée, dysphonie, dysphagie), 10% syndrome cave supérieur

2. Diagnostic histopathologique

  • On retrouve un double contingent lymphocytaire et épithélial, seul l'épithélial est tumoral
  • Ce sont des tumeurs malignes (le terme thymome bénin est à proscrire au profit de tumeur encapsulée (stades I, 65% des cas) vs. tumeur invasive (stades II à IV, 35% des cas))
  • Plusieurs classifications ont été proposée, on retient la classification de l'OMS de 1999, modifiée en 2004, validée comme standard en 2011 par l'ITMIG1) (même si la reproductibilité est actuellement imparfaite, en cause : existence de formes frontières entre les sous-types et les cas de tumeurs hétérogènes (25% des cas))

Classification histologique OMS 2004-2014 :

  • Thymome A : cellules épithéliales fusiforme, prédominance épithéliale
  • Thymome AB : zone de thymome A, et zones riches en lymphocytes
  • Thymome B1 : cellules épithéliales polygonales, prédominance lymphocytaire
  • Thymome B2 : cellules épithéliales polygonales, mixte
  • Thymome B3 : cellules épithéliales polygonales, prédominance épithéliale
  • Thymomes de types rares : thymome micronodulaire, thymome métaplasique
  • Carcinome thymique : malpighie, neuro-endocrine, autres
  • Tumeurs neuro-endocrines bien différenciées : carcinoïdes

Il existe pour chaque sous-type histologique des critères spécifiques développés par l'ITMIG

3. Classification

  • Classification la plus commune = classification de Masaoka-Koga, dont l'ITMIG a proposé en 2011 un consensus pour les critères définissant chaque classe de Masaoka
  • À noter qu'il s'agit d'une classification beaucoup plus post-opératoire
Masaoka-Koga Critères diagnostic et consensus ITMIG
Stade I - Tumeur entièrement encapsulée (macro et microscopie)
- Pas d'extension à la graisse médiastinale
- Inclut aussi : invasion dans (pas au delà) de la capsule ; sans capsule, sans invasion des tissus périphériques
Stade IIa - Invasion microscopique trans-capsulaire (≤ 3 mm, confirmation anapath)
Stade IIb - Invasion macroscopique de la graisse péri-thymique et/ou du thymus normal (confirmation anapath)
- Adhérences macroscopiques, sans invasion, à la plèvre médiastinale ou au péricarde (ces adhérences peuvent rendre nécessaire la résection de ces structures lors de la chirurgie)
Stade III - Extension macroscopique aux organes adjacents (péricarde, gros vaisseaux, poumons)
- Ou, invasion microscopique (confirmation anapath) de : (1) plèvre médiastinale, viscérale ou péricarde (2) invasion directe du parenchyme pulmonaire (3) invasion du nerf phrénique ou du vague (adhérence n'est pas suffisante) (4) invasion des gros vaisseaux
Stade IVa - Implants pleuraux ou péricardiques (nodules tumoraux distincts invasifs)
Stade IVb - Métastases ganglionnaires (médiastinales antérieures, intra-thoraciques, cervicales antérieures ou inférieures ou extra-thoraciques)
- Métastases hématogènes (métastases extra-thoraciques OU extension péri-thymique, dont métastases pulmonaires sans implant pleural associé)
  • Une classification TNM a été proposée en 2015 (ITMIG/IASLC2)) :
T1a Encapsulée ou non, extension limitée au médiastin, avec ou sans extension à la graisse médiastinale
T1b Extension à la plèvre médiastinale
T2 Invasion du péricarde (partielle ou complète)
T3 Invasion : poumon, veine brachio-céphalique, veine cave supérieure, paroi, nerf phrénique, hile extra-péricardique, veines pulmonaires
T4 Invasion : aorte, trachée, œsophage, artère pulmonaire, artères supra-aortiques, myocarde
-
N0 Absence d'adénopathie
N1 Adénopathies antérieure pré-thymiques
N2 Adénopathies profondes ou cervicales (2, 4, 5, 7, 10)
-
M0 Absence de métastases pleurale, péricardique ou systémique
M1a Implant pleural ou péricardique
M1b Métastase pulmonaire ou systémique
Groupe ITMIG-IASLC 2015 Masaoka-Koga-ITMIG
I T1N0M0 I, IIa, IIb, III
II T2N0M0 III
IIIa T3N0M0 III
IIIb T4N0M0 III
IVa T1-4 N0-1 M0-1a IVa, IVb
IVb T1-4 N0-2 M0-1b IVb

4. Facteurs pronostiques

  • Difficiles à définir (tumeurs rares, classifications multiples, longue évolution)
  • Les facteurs les plus significatifs semblent être : caractère encapsulé ou invasif, résection complète ou non
  • Le stade a également un valeur pronostic : stades I et II (souvent de type A, AB ou B1) ont une meilleur survie que les stades III et IV (souvent de type B2, B3 ou carcinomes)
  • L'invasion de la capsule ne semble pas être un élément pronostic défavorable
  • La survie des stades I et II n'est pas statistiquement différente (récidive cumulée de 8% à 10 ans)

5. Manifestations auto-immunes associées

  • De nombreux syndrome para-néoplasiques sont associés aux tumeurs épithéliales thymiques, le plus fréquent = myasthénie (puis d'autres maladies auto-immunes)
  • Bilan biologique minimal :
    • Hémogramme + réticulocytes
    • EPP, dosage pondéral des Ig
    • FAN
    • Ac anti-acétylcholine (si positif, pas d'EMG)
    • TSH
  1. Myasthénie : dans 10 à 75% des cas (selon les séries) ; on retrouve 20% de thymomes chez les myasthéniques
    • Souvent associée à d'autres affections auto-immunes
    • Anticorps anti-R-acéthylcholine toujours positifs ; pas d'indication de suivi de ces anticorps, mais en post opératoire oui (afin d'organiser le suivi neurologique)
    • Exceptionnellement, on observe des myasthénies à anticorps anti-MusK (résistance aux traitements spécifiques plus fréquente)
  2. Autres : dans 2 à 3% des cas, souvent associés entre eux
    • Hypogammaglobulinémie
    • Anémie érythroblastopénique
    • Lupus érythémateux disséminé
    • La thymomectomie n'améliore qu'inconstamment ces affections

Affections auto-immunes et paranéoplasiques associées avec le thymome :

  • Affections neuromusculaires : myasthénie, encéphalopathie limbique, neuropathie périphérique, neuromyotonie, syndrome de Stiff person, polymyosite
  • Affections hématologiques : aplasie érythrocytaire, pemicious anaemia, pancytopénie, anémie hémolytique
  • Connectivites : LED, PR, syndrome de Gougerot Sjögren, sclérodermie, PID
  • Déficits immunitaires : hypogammaglobulinémie (syndrome de Good), déficit cellulaire T
  • Affections endocriniennes : syndrome polyglandulaire autoimmun, syndrome d'Addison, thyroïdite
  • Affections dermatologiques : pemphingus, lichen plan, candidose cutanéo-muqueuse chronique, alopécie areata
  • Autres : myocardite à cellules géantes, glomérulonéphrite, syndrome néphrotique, colite ulcéreuse, ostéoarthropathie hypertrophique

6. Diagnostic

  1. Diagnostic positif :
    • Tumeur intra-thymique parfaitement encapsulée ⇒ chirurgie d'emblée
    • Résécabilité douteuse ⇒ preuve histologique (en respectant l'espace pleural pour éviter l'ensemencement tumoral iatrogène)
  2. Diagnostic différentiel : masse médiastinale antérieure
    • Lymphome (Hodgkinien et non Hodgkinien) : surtout devant une forme histologique indifférenciée à population lymphocytaire quasi exclusive
    • Tumeurs germinales (dosage AFP, B-HCG et LDH)
    • Métastase d'un carcinome extra-thymique (dans le cas d'un carcinome thymique) ⇒ rôle de l'immunohistochimie +++

7. Bilan pré-thérapeutique

  • Radiographie + TDM avec coupes abdominales hautes
  • IRM : si on doute sur le caractère tumoral (hyperplasie?), en cas de tumeur kystique, ou si doute sur la résécabilité à la TDM
  • TEP-Scan : pour les tumeurs invasives ou récidivantes
  • EFRs
  • Suspicion de myasthénie ⇒ recherche d'Ac anti-acétylcholine
  • EMG : pas nécessaire si Ac positifs ; si clinique évocatrice et Ac négatifs ⇒ EMG (surtout en pré-opératoire +++) ; recherche d'Ac anti-MusK peut être proposée
  • Bilan minimal à la recherche d'atteintes auto-immunes (voir supra)
  • Suspision de compression vasculaire ⇒ angio-TDM
  • Suspicion d'atteinte bronchique ⇒ endoscopie

Critères d'interprétation de l'imagerie des tumeurs thymiques (ITMIG) : Taille, contour (limité, lobulé), densité interne (homogène, hétérogène, kystique), calcification, infiltration de la graisse péri-thymique, invasion de plus de 50% de la surface des structures médiastinales, invasion endo-luminale directe, invasion pulmonaire, invasion pleurale (uni- ou bilatérale, nombre de nodules), invasion ganglionnaire médiastinale (> 1 cm), invasion du nerf phrénique, métastases extra-thoraciques

8. Traitements

8.1. Chirurgie

  • Exérèse complète monobloc = souci permanent ⇒ garantie d'un bon pronostic à long terme
  • Thymomectomie complète + graisse péri-thymique, sans ouverture de l'interface tumorale + ablation des ganglions suspects
  • On peut se limiter à un chirurgie de réduction seulement pour faciliter la radiothérapie (intérêt sur la survie semble limité)
  • Des exérèse itératives en cas de récidive sont possibles (semble prolonger la survie)
  • La chirurgie vidéo-assitée est une option, de même que la “mini-invasive” pour les tumeurs stade I et II

8.2. Radiothérapie

  • La radiothérapie systématique en post-op est remise en cause :
    • Absence de bénéfice de survie pour les stades I et II quelque soit la complétion de la résection, et pour les stades III et IV complètement réséqués
    • Absence de différence en terme de taux de récidives après résection complète
    • Bénéfice de survie sans récidive et de survie globale pour les carcinomes thymiques
  • Critères décisionnels les plus pertinents : stade, résection ; l'histologie (agressivité) est également à prendre en compte

8.2.1. Radiothérapie post-opératoire

  • Modalités exactes restent à définir précisément, les recommandations reposent sur l'accord d'experts
  • Elle est à débuter dans les 3 mois suivants la chirurgie
  • Volumes cibles :
    • Totalité de la loge thymique + extensions tumorales éventuelles
    • Limites : défilé cervico-thoracique en haut, médiastin moyen en bas (sauf tumeurs ectopiques)
    • Irradiation des creux sus-claviculaires non recommandée
  • Doses :
    • Résection complète : au moins 45-50 Gy
    • Résection incomplète : au moins 56 Gy + surimpression des zones à risque, repérée si possible par des clips3)
  • Modalités : 9 à 10 Gy hebdomadaires en 5 séances

Indications des la radiothérapie post-opératoire :

Situation TNM Masaoka Histologie Radiothérapie
Résection complète I I - non
IIa A-B2 non
B3 à discuter
IIb A-B1 non
B2-B3 à discuter
II, IIIa, IIIb III - oui
Résection incomplète oui
Carcinome thymique oui

Ces propositions doivent toujours être discutée en RCP

8.2.2. Radiothérapie définitive

  • Si la tumeur est inopérable, ou en cas de résection R2 ou de chirurgie de débulking
  • Radiothérapie séquentielle ou concomitante à la chimiothérapie (60 Gy ou plus dans ce contexte)

8.3. Chimiothérapie

  • Protocoles les plus utilisés :
    • CAP : Cisplatine 50 mg/m², Adriamycine 50 mg/m², Cyclophosphamide 500 mg*m² (meilleur taux de réponse)
    • Alternative : Carboplatine, Paclitaxel, VIP (surtout en cas de carcinome thymique)
  • Aucune donnée précise sur la 2e ligne
  • 2 indications :

8.3.1. Tumeur localement avancée

  • Stades III à IVa de Masaoka, IIIa/T3, IIIb/T4 ou IVa TNM
  • L'objectif est une réduction tumorale permettant une exérèse, ou au moins une radiothérapie
  • Chimiothérapie d'induction (3 à 4 cures), chirurgie, radiothérapie (dans cet ordre = meilleur séquence thérapeutique)
  • Taux de réponse entre 70 et 80%
  • Résection complète possible après chimiothérapie dans 30% à 50% des cas
  • 20 à 30% restent non résécables après chimiothérapie (⇒ radiothérapie)
  • 10% reste non éligibles à un traitement focal après chimiothérapie
  • Option : surtout pour les carcinomes thymiques à résécabilité incertaine avec réponse limitée à la chimiothérapie : association chimio-radiothérapie (Platine + Vepeside + 60 Gy)
  • La chimiothérapie post-op, R0 ou R1, n'est pas recommandée (aucune donnée en faveur) ; se discute exceptionnellement pour les carcinomes thymiques, stades II, III et IV, surtout en l'absence de chimiothérapie d'induction

8.3.2. Tumeur métastatique ou récidivante, non résécable

  • Chimiothérapie exclusive
  • Taux de réponse plus faible qu'en pré-op (20-60%)

8.4. Traitement des syndromes para-néoplasiques

  • Doivent être pris en charge parallèlement au traitement du thymome, en collaboration avec les spécialistes concernés
  • Myasthénie :
    • La thymomectomie n'est pas toujours efficace ; elle peut évoluer pour son propre compte
    • Le traitement repose sur les anti-cholinéstérasiques et les immunosuppresseurs en cas de forme sévère
    • Médicaments contre-indiqués :
      • Absolue : D-pénicillamine, curares, aminosides, béta-bloquants même locaux, phénytoïne, triméthadione, quinine, quinidine, chloroquine…
      • Relative : phénotiazine, carbamazépine, benzodiazépine, neuroleptiques, vérapamil, lithium, progestérone

8.5. Synthèse des indications thérapeutiques

Masaoka Thymome Carcinome
I Chirurgie
Pas de biopsie pré-thérapeutique
R0 ⇒ pas de radiothérapie
R1 ⇒ radiothérapie (50-54 Gy)
Idem thymome, sauf que a radiothérapie es proposée en option si R0 (45-50 Gy)
IIa Chirurgie
Pas de biopsie pré-thérapeutique
R0 :
- A-B2 ⇒ pas de radiothérapie
- B3 ⇒ radiothérapie en option (45-50 Gy)
R1 ⇒ radiothérapie (50-54 Gy)
Chirurgie
Pas de biopsie pré-thérapeutique
R0 ⇒ radiothérapie en option (45-50 Gy)
R1 ⇒ radiothérapie (50-54 Gy) (chimiothérapie en option)
IIb Idem IIa, sauf que la radiothérapie en option est proposée à partir du stade histologique B2 Idem IIa
III-IVa Tumeur résécable (TNM I-IIIa = T3)
- Chirurgie
- Radiothérapie (45-50 Gy), avec boost
Idem thymome, + chimiothérapie en option
III-IVa Tumeur non résécable (TNM IIIa-b = T3, T4, IVa)
- Biopsie
- Chimiothérapie d'induction (à base d'anthracycline)
- Si elle devient résécable : chirurgie + radiothérapie (45-50 Gy), avec boost
- Si elle reste non résécable, ou R2 : radiothérapie (60 Gy) (option : chimio-radiothérapie)
- Option : chimio-radiothérapie concomitante (platine, étoposide, 60 Gy)
Idem thymome, sauf que la chimiothérapie est également proposée en option en post-opératoire
IVb Chimiothérapie exclusive
- Si elle devient résécable : options chirurgie + radiothérapie, ou radiothérapie
Chimiothérapie exclusive

8.6. Surveillance

  • Pas de données objectives ⇒ rythme de surveillance ne peut être défini avec certitude ⇒ adapté à l'agressivité de la tumeur
  • Elle est indispensable car les récidives sont souvent accessibles à un traitement curatif
  • On propose (sur la base de données rétrospectives) :
    • Première TDM 3 à 4 mois après résection
    • Stade I ou II, R0 : TDM annuelle pendant 5 ans, puis bisannuelles
    • Stade III ou IV, carcinome ou R1/R2 : TDM chaque 6 mois pendant 2 ans, puis annuelles
    • Suivi durant 10 à 15 ans
  • Réapparition des signes de syndrome auto-immun, en particulier de myasthénie ⇒ recherche précoce de récidive
  • Une crise myasthénique peut survenir à distance de la prise en charge initiale, chez un patient en rémission, sans récidive, spontanément ou suite à une prise médicamenteuse, une infection, un stresse ; la persistance des Ac anti-R-acétylcholine = facteur prédictif de ce risque

Résumé basé sur le Référentiel du réseau RYTHMIC - Tumeurs épithéliales thymiques (mise à jour 2016)

1)
International Thymus Malignancy Interest Group
2)
International Association for the Study of Lung Cancer
3)
clips radio-opaques fixés par le chirurgien
cours/residanat/pneumologie/les_tumeurs_thymiques.txt · Dernière modification : 2019/04/16 13:35 de admin@medwiki-dz.com

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