cours:residanat:pneumologie:les_tumeurs_carcinoides
Table des matières
Tumeurs carcinoïdes
1. Introduction
1.1. Définition
- Font partie des tumeurs neuro-endocrines (comme CPC, et carcinome neuro-endocrine à grandes cellules)
- Se distingue de ces 2 dernières par la présentation clinique, radiologique, histologique et pronostic
1.2. Intérêt
- Localisations : bronches, mais aussi tube digestif, pancréas, ovaires
- Pronostic : bon pour les typiques, haut taux de métastases pour les atypiques
2. Épidémiologie
- Le plus fréquent de l'enfant, seulement 1 à 5% des cancers pulmonaires de l'adulte
- Homme = femme, sauf atypique (homme/femme = 2)
- Typique : 90% des carcinoïdes
- Pic d'incidence à la 50'aine pour le typique, plus tard pour l'atypique
- Tabac : n'est pas un FDR (probable pour l'atypique)
- 5% des patients avec Néoplasies Endocrines Multiples de type 1 (NEM1) développent des tumeurs carcinoïdes, qui peuvent être parfois multiples
3. Étiologie
- Mécanisme d'apparition inconnu
- Association possible à un syndrome héréditaire de prédisposition aux tumeurs = piste de recherche
4. Classification
- Dérive des cellules neuro-endocrine présente dans les voies aériennes
- Fait partie des tumeurs pulmonaires neuro-endocrine (du moins agressif au plus agressif) : carcinoïde typique, carcinoïde atypique, carcinome neuro-endocrine à grandes cellules et carcinome (neuro-endocrine) à petites cellules
- Partagent certains aspects morphologiques, immunohistochimiques (chromogranine A, synaptophysine…) et ultrastructuraux (granules sécrétoires intracellulaires pouvant contenir de la sérotonine ou autres substances)
5. Anatomie pathologique
5.1. Macroscopie
- Proximal le plus souvent
- Importante composante endo-bronchique : masse charnue, lisse, polypoïde, bourgeonnant dans la lumière bronchique
- Partie infiltrante : peut s'étendre dans la paroi et au delà du cartilage (envahissement ganglionnaire)
- Vascularisation importante (hémorragies lors des biopsies +++)
- Parenchyme en aval : peut présenter des lésions en rapport avec l'obstruction
- Peut être aussi distal, dans la parenchyme sous-pleural, sans rapport avec une voie aérienne
- Bien limités, mais pas encapsulés
- Peuvent être multiples
5.2. Cytologie
- Le plus souvent sur cytoponction d'une lésion périphérique
- Aspect particulier évocateur : cellules isolées ou agencées en placards monocouches, noyau excentré, cytoplasme abondant (aspect plasmocytoïde), peu ou pas d'atypies, réaction de Grimelius positive
5.3. Histologie
- Prolifération plus ou moins monomorphe de cellules groupées en cordons, îlots, travées ou formations acineuses
- On peut observer une différenciation exocrine (mucus intra-cellulaire ou cavités glandulaires)
- Cellules régulières, cytoplasme modérément éosinophile, finement granulaire
- Noyaux avec réseau chromatinien fin
- Stroma peut être fibreux ossifié ou siège de dépôts amyloïdes, toujours richement vascularisé
- Variantes histologiques possibles : cellules fusiformes, oncocytaires, architecture glandulaire, en rosettes, papillaire
5.4. Distinction typique/atypique
- Très importante en terme de pronostic ; basée sur 2 critères :
- Index mitotique :
- < 2 mitoses par 2 mm² (ou 10 champs au fort grossissement) ⇒ typique
- 2 à 10 mitoses par 2 mm² ⇒ atypique
- Nécrose :
- Absente ⇒ typique ; focale ⇒ atypique
5.5. Immunohistochimie
- Utile pour confirmer la nature neuro-endocrine d'un carcinome morphologiquement peu différencié ; les plus utilisés :
- Neurone Specific Enolase (NSE) : sensibilité 100%, mauvaise spécificité (ne suffit pas à lui seul)
- Chromogranine A : sensibilité 80%, meilleur spécificité (corrélé à la présence de granules neurosécrétoires)
- Leu7 : sensibilité 40%
- Synaptophysine : sensibilité 40%
- Neural Cell Adhesion Molecul (NCAM) : très sensible et spécifique, expression corrélée à la faible différenciation et à l'agressivité des tumeurs neuro-endocrines
- Tous les carcinoïdes expriment les pancytokératines et les marqueurs neuro-endocrines (chromogranine, synaptophysine et NCAM), mais ils n'expriment pas le TTF-1
5.6. Microscopie électronique
- Nombre de granules sécrétoires corrélé à la différenciation : très nombreux dans le typique ; moins nombreux, plus petits et moins polymorphes dans l'atypique
6. Diagnostic positif
6.1. Circonstances de découverte
- La majorité sont asymptomatiques (20-50%), ou alors : hémoptysies, toux chronique, fièvre, douleurs thoraciques, dyspnée, wheezing unilatéral, pneumonies à répétition
- Syndrome carcinoïde : ensemble de symptômes résultant de la sécrétion inappropriée de sérotonine par les cellules neuro-endocrines
- Plus fréquent dans les carcinoïdes digestifs que bronchiques
- Classiquement : flush, diarrhées (chronique, moteur et aqueuse), wheezing, atteinte cardiaque
- Si plusieurs symptômes apparaissent simultanément, on parle de crise carcinoïde, qui peut être sévère (confusion, coma, parfois décès) ; elle peut apparaître subitement, spontanément ou déclenchée par stresse, anesthésie ou chimiothérapie
- L'acide aminé tryptophane, normalement utilisé pour la production de niacine (vit. B3), est utilisé par les carcinoïdes pour produire la sérotonine ⇒ manque secondaire de niacine (peut mener jusqu'à la pellagre)
- L'octréotide (Sandostatine) prévient et traite efficacement l'hypoTA et la surproduction de sérotonine
- Le syndrome para-néoplasique le plus fréquemment associé aux carcinoïdes bronchiques (1-2% des cas) = syndrome de Cushing (sécrétion ectopique d'ACTH (hormone adrénocorticotrope))
6.2. Examens complémentaires
6.2.1. Imagerie (TLT et TDM)
- Masse proximale le plus souvent, périphérique dans 16 à 40% des cas
- Lésions nodulaires, rondes ou ovoïdes, à bords parfois lobulés
- Altérations parenchymateuses possible (atélectasie, pneumonie obstructive)
- Pas rare d'observer un nodule entièrement endobronchique (dans les localisations proximales)
- Calcifications punctiformes ou diffuses dans 30% des cas (suggèrent le diagnostic)
- Bien vascularisées : rehaussement de plus de 30 unités Hounsfield après injection (permet de différencier la tumeur d'une atélectasie)
6.2.2. Fibroscopie bronchique
- 3/4 des carcinoïdes sont visibles à l'endoscopie : 13% bronche souche, 55% lobaires, 32% plus distaux
- 60% dans le poumon droit, site de prédilection = LM
- La fibroscopie fait le diagnostic dans 51% des cas ; (14% biopsie trans-thoracique, 35% thoracotomie)
- Tumeurs très vascularisées, réputées saignant redoutablement lors des biopsies ; mais aucun incident majeur rapporté dans une série de 587 biopsies endoscopiques (hémorragies incoercible que dans 0,7%)
6.2.3. Scintigraphie
- Octréoscan = Scintigraphie aux analogues de la somatostatine (octréotide, ianréotide, pentetréotide) car sur-expression par les cellules carcinoïdes de récepteurs à la somatostatine
- Mais, 1/3 des carcinoïdes n'expriment pas ces récepteurs (utilité de l'examen reste à définir)
- Peut être utiliser pour la recherche de métastases de carcinoïdes dont l'expression de ces récepteurs a déjà été prouvée par l'immunohistochimie
- Beaucoup de faux positifs (sarcoïdose, pneumonies, CPC…) ⇒ octréoscan n'a pas d'utilité dans le diagnostic initial d'un nodule pulmonaire
- Marquage du MIBG (méto-iodo-benzyl-guanidine) par isotopes radioactifs (I123, I131) trouve sa place dans la détection des carcinoïdes digestifs, peut de données pour les bronchiques (MIBG semble moins sensible l'octréoscan)
6.2.4. PET-scan
- Est devenu l'un des examens clés du bilan d'extension des CBNPC
- Mais est peu contributif pour les cancers à faible métabolisme (carcinoïde, brochiolo-alvéolaire)
- Pas encore assez de données, mais la sensibilité semble tourner autour de 50 à 75%, d'autant plus que la lésion est avancée et de grande taille (> 1,5 cm)
6.2.5. Marqueurs sanguins et urinaires
- Si symptômes classiques du syndrome carcinoïde : dosage du 5-HIAA urinaire (5-hydroxy-indol-acétique) et chromogranine A sérique recommandés
- 5-HIA : spécificité de 88%, faux positifs dus aux aliments riches en sérotonine (kiwi, bananes…) ou certains médicaments (à proscrire donc 2 jours avant la récolte des urines de 24h)
6.2.6. Autres
- Recherche de métastases : TDM TAP, endoscopies digestives…
7. Diagnostic différentiel
- Autres tumeurs neuro-endocrines : CPC, carcinome neuro-endocrine à grandes cellules
- Variante oncocytaire : oncocytome
- Variante à cellules fusiformes : tumeurs conjonctives
- Métastases d'un carcinome neuro-endocrine ou d'un ADK (sein et prostate +++)
8. Pronostic
- Fonction du type histologique et du stade évolutif
- Carcinoïdes typiques : tumeurs à malignité réduite, qui garde le plus souvent une évolution locale
- Carcinoïdes atypiques : taux plus élevé de métastases et réduction significative de la survie
- Les métastases sont le plus souvent hépatiques, osseuses, cérébrales et sous cutanées ; elle peuvent se voir plusieurs années (voir décennies) après le diagnostic
- Facteurs de mauvais pronostic :
- Pas de traitement chirurgical
- Stade avancé
- Grande taille (> 3 cm)
- Métastase ganglionnaire
- Envahissement vasculaire
- Forme atypique
- Sites inhabituels de métastases (peau, ovaire, choroïde, sein)
9. Traitement
9.1. Traitement chirurgical
- Seul traitement curatif
- Résection large + curage ganglionnaire (idem CBNPC)
- Résection moins large peut être envisagée pour les tumeurs périphériques, chez des patients avec fonction pulmonaire altérée
9.2. Traitement endoscopique
- Laser Nd-YAG, cryothérapie
- Pour les typiques endoluminaux et/ou les patients non opérables
9.3. Traitement non chirurgical
- Les tumeurs carcinoïdes sont relativement chimio-radio-résistantes
- Pas de recommandations pour le traitement des cas métastatiques
- Typique avec atteinte ganglionnaire ⇒ excellente survie ⇒ traitement non justifié
- Atypique avec atteinte locorégionale ⇒ indiqué
- Chimiothérapie : efficacité modérée
- Cisplatine + Etoposide
- Streptozotocine + 5-fluoroacil
- Des essais ont été fait avec interféron alpha +/- octréotide : efficacité non évidente, nombreux effets secondaires
- D'autres on testé la somatostatine et le MIBG : bonne efficacité sur les symptômes du syndrome carcinoïde
- Métastases multiples hépatiques : embolisation hépatique ⇒ efficace sur les symptômes
- Très peu de données sur l'efficacité de la radiothérapie
10. Conclusion
- Tumeurs faisant partie des tumeurs neuro-endocrines pulmonaires, mais s'en distingue (ainsi que des CBNPC) sur les plans : histologique, clinique, thérapeutique et pronostic
- Le carcinoïde doit être évoqué devant toute lésion bourgeonnante endobronchique ou nodule solitaire
- Plus souvent symptomatique sur le plan respiratoire, donne rarement un syndrome carcinoïde, et représente 1% des syndrome de Cushing
- Traitement de choix = chirurgie
- Si atteinte étendue (métastases) : les traitements ne permettent pas d'améliorer la survie de manière significative
cours/residanat/pneumologie/les_tumeurs_carcinoides.txt · Dernière modification : 2019/04/16 13:35 de admin@medwiki-dz.com