cours:residanat:pneumologie:les_autres_tumeurs_mediastinales
Table des matières
Autres tumeurs médiastinales (hors tymomes et lymphomes)
1. Introduction
- Groupe hétérogène de maladies (essentiellement néoplasiques et dysembryoplasiques)
- Souvent asymptomatiques, clinique peu spécifique, médiastin difficilement accessible ⇒ diagnostic difficile
- Diagnostic basé sur : techniques non invasives (imagerie), et invasives souvent nécessaires au final (étude histologique)
- Traitement chirurgical le plus souvent
2. Rappel anatomique
- Médiastin = espace médiothoracique interpulmonaire
- Limites : plastron sterno-costal, corps des vertèbres dorsales, diaphragme, défilé cervico-thoracique, plèvres médiastinales
- Contient de nombreuses structures : cardiovasculaires, digestives, bronchiques, glandulaires, graisseuses, ganglionnaires et nerveuses ⇒ complexité et variété des pathologies rencontrées
- On peut le diviser d'avant en arrière en :
- Médiastin antérieur : limité par le plan de la face antérieure de la trachée
- Médiastin moyen : région péri-trachéo-bronchique
- Médiastin postérieur : en arrière du plan trachéo-bronchique
- Chacune de ces 3 parties peuvent être divisée de haut en bas en : étage supérieur |plan de la crosse de l'aorte| étage moyen |plan de la carène| étage inférieur
3. Diagnostic positif
3.1. Circonstances de découverte
- Syndromes médiastinaux : situation la plus fréquente
- Bilan d'extension d'une affection générale
- Découverte fortuite
3.1.1. Syndromes médiastinaux
- Valeur diagnostic topographique
- Liés à l'irritation ou à la compression des organes médiastinaux
- Les organes atteints (par ordre de fréquence) : arbre bronchique, système veineux du médiastin antéro-supérieur, éléments nerveux, œsophage et éléments artériels rarement atteints
- Manifestations circulatoires :
- Syndrome cave supérieur +++ (tumeur antéro-supérieure)
- Compression de la VCS +/- thrombose
- En général d'installation rapidement progressive
- Diagnostic clinique :
- Cyanose de la face et de la partie supérieure du thorax, exagérée lors de la toux
- Œdème facial, thoracique supérieur et des membres supérieurs = œdème en pèlerine
- Turgescence des jugulaires
- Gêne de la circulation de retour céphalique ⇒ vertiges, acouphènes (bourdonnements), troubles visuels, tendance à la somnolence
- Circulation collatérale + lacis variqueux en pré- et médio-thoracique supérieur
- Manifestations respiratoires (Dyspnée) :
- Résulte d'une compression des voies respiratoires à ses différents niveaux
- Manifestations neurologiques :
- Paralysie du nerf récurrent gauche :
- Atteinte la plus fréquente (car le gauche est anatomiquement plus exposé aux compressions)
- S'observe dans les processus de la région aorto-pulmonaire (néoplasie ou adénopathies)
- Clinique :
- Dysphonie avec toux bitonale
- Gêne à l'expectoration (due à l'immobilité de la corde vocale)
- Fausses routes (due à la perte de sensibilité de l'hémi-larynx avec occlusion glottique insuffisante)
- Confirmation : laryngoscopie
- Paralysie phrénique :
- Souvent asymptomatique
- S'observe dans les tumeurs du médiastin antérieur
- Diagnostic radiologique : clichés en inspiration et expiration, radioscopie dynamique
- Paralysie du sympathique cervical :
- Syndrome de Claude-Bernard-Horner :
- Isolé (triade classique énophtalmie, myosis, ptosis)
- Ou associé à d'autres manifestations (douleur radiculaire du MS de topographie C8-D1, aréflexie tendineuse) ⇒ syndrome apico-costo-vertébral de Pancoast-Tobias
- Signes de compression de la moelle dorsale :
- Dans certaines tumeurs à développement postérieur avec prolongements en sablier à travers les trous de conjugaison
- Autres :
- Dysphagie : compression ou envahissement de l'œsophage ; signe classique mais souvent tardif (atteinte du médiastin postérieur)
- Compression du canal thoracique : exceptionnelle, responsable d'un chylothorax
3.1.2. Localisation médiastinale d'une affection générale
- Lymphopathies : LMH et LMNH
- Sarcoïdose : adénopathies médiastinales
- Syndrome de Pierre Marie-Bamberger (Ostéo-arthropathie hypertrophiante pneumique) : syndrome paranéoplasique le plus souvent associé à un ADK bronchique, associe : hippocratisme digital, appositions périostées au niveau des os longs et polysynovites douloureuses
- Syndrome myasthénique : rechercher une tumeur thymique
- Signes cutanés d'une maladie de Recklinghausen : peut être associé à une tumeur latente du médiastin postérieur
- Certains signes endocriniens (gynécomastie, atrophie testiculaire) : peuvent orienter vers une tumeur embryonnaire médiastinale
- Syndrome d'hyperthyroïdie : peut faire découvrir un goitre thoracique hyper-sécrétant
3.2. Examens complémentaires
- Radiographie thoracique : peut préciser la topographie du processus (signe de la silhouette, signe du défilé cervico-thoracique, signe du recouvrement hilaire, signe de l'iceberg)
- TDM thoracique : examen clé du diagnostic, précise la topographie et la nature (graisse, kyste, tissus, vasculaire, calcifications)
- IRM : n'est pas supérieur à la TDM, sauf situation particulière (facilite l'exploration des compartiment médiastinaux grace au fort contraste entre les structures vasculaires et tissulaires et par son approche anatomique multiplanaire)
4. Diagnostic différentiel
- Affections pariétales :
- Posent peu de problèmes (tumeurs des parties molles, chondromes costaux, abcès froids pariétaux…)
- Le seul diagnostic délicat est l'abcès froid dorsal d'origine pottique : n'a pas toujours l'aspect fusiforme caractéristique et peut se présenter comme une masse arrondie ou ovoïde médiastinale postérieure (peut simuler un neurinome)
- Affections pleurales :
- Pleurésies enkystées
- Tumeurs solides localisées de la plèvre (mésolthéliomes…)
- Affections diaphragmatiques :
- Tumeurs du diaphragme (exceptionnelles)
- Hernie diaphragmatique de la fente de Larrey (pose plus souvent problème)
- Affections œsophagiennes :
- Néo de l'œsophage peut exceptionnellement donner une image tumorale médiastinale
- Méga-œsophage donne souvent une image d'élargissement du médiastin, habituellement variable d'un jour à l'autre (forme, dimension et surtout densité) ; diagnostic facile grâce au lavement baryté et aux signes cliniques digestifs
- Affections cardiovasculaires :
- Anévrysme de l'aorte thoracique : le plus souvent
- Images à la limite de la normale : déroulement aortique (peut évoquer une tumeur), ombre des veines du médiastin supérieur (élargissement important du médiastin)
- Affections cardiaques : cardiomégalie, épanchement péricardique, dilatations cavitaires, hypertrophie des franges graisseuses péricardiques…
- Affections bronchiques et pulmonaires :
- Masse pulmonaire juxtamédiastinale (TDM+++)
- Lobe azygos condensé (simule ADP latérotrachéale)
- Lobe supérieur atélectasié (simule ADP sus-hilaire)
- CPC de forme médiastino-pulmonaire
5. Diagnostic étiologique
5.1. Médiastin antérieur
5.1.1. Étages supérieur et moyen
5.1.1.1. Goitre endothoracique
- Plus souvent un goitre plongeant (20% des goitres cervicaux descendent dans le thorax), qu'un goitre ectopique endothoracique (représente 1% des goitres endothoraciques)
- Femme, > 50 ans
- Découverte fortuite, ou devant des signes respiratoires (dyspnée++) présents dans 70% des cas
- Goitre cervical non palpable dans 10 à 20% des cas
- Bilan thyroïdien souvent normal
- TDM : étudie les rapports ; Scintigraphie : confirme la continuité de la masse avec la thyroïde ; Endoscopie bronchique : apprécie le rétrécissement
- Histologie bénigne dans 90% des cas
- Risque de compression, parfois aiguë (saignement au sein du goitre) ⇒ impose traitement chirurgical
5.1.1.2. Tumeurs thymiques
Voir cours dédié
5.1.1.3. Tumeurs germinales
- Groupe hétérogène de tumeurs bénignes et malignes
- Histologie identique à celle de certaines tumeurs testiculaires ou ovariennes
- Touchent l'adolescent et l'adulte jeune
- Tumeurs bénignes : tératome mature
- Représentent 60 à 70% des tumeurs germinales médiastinales
- Souvent asymptomatiques
- Pas de distinction de sexe
- Masse arrondie, bien limitée du médiastin antérieur, avec calcifications dans 25% des cas
- AFP et B-HCG normaux
- Résection indiquée en raison du risque de complication (surinfection, développement d'un contingent malin)
- Tumeurs malignes :
- Touchent surtout l'homme jeune entre 20 et 30 ans
- Presque toujours symptomatiques : douleur, toux, dyspnée, syndrome cave supérieur
- Toujours rechercher une tumeur primitive testiculaire
- Séminomes :
- AFP et B-HCG normaux dans les formes pures
- Calcifications rares
- Très chimio- et radio-sensibles
- Survie à long terme de 60 à 80%
- Tumeurs germinales non séminomateuses : choriocarcinome, mésoblastome, tératome malin
- La majorité sont sécrétantes ; si AFP et B-HCG très élevés, on peut éviter la biopsie chirurgicale
- Masses médiastinales irrégulières, avec zones de nécroses et/ou d'hémorragie
- Invasion locorégionale et à distance fréquente
- Le traitement repose sur la chimiothérapie d'induction puis chirurgie si masse résiduelle
5.1.1.4. Adénome para-thyroïdien ectopique
- L'adénome para-thyroïdien ectopique est rare (10% des adénomes para-thyroïdiens)
- Localisé au médiastin antérieur dans 50% des cas
- Évoquer devant une hyper-parathyroïdie persistante, chez une femme âgée, malgré une para-thyroïdectomie
- L'IRM fait le diagnostic
- Traitement : chirurgie
5.1.2. Étage inférieur
- Kyste pleuro-péricardique :
- Tumeur médiastinale bénigne, fréquente (6 à 7% des tumeurs du médiastin)
- Siège le plus souvent dans l'angle cardio-phrénique, à droite
- Nature kystique confirmée à la TDM ⇒ diagnostic quasi-certain
- Asymptomatique le plus souvent
- L'abstention thérapeutique est la règle
- Lipomes ou hypertrophie des franges graisseuses :
- Très fréquents
- Aspect radiologique souvent triagnulaire, le plus souvent bilatéraux
- Diagnostic = TDM
5.2. Médiastin moyen
5.2.1. Adénopathies
- Représentent les opacités médiastinales les plus fréquentes
- Toujours rechercher des ADP périphériques
5.2.1.1. Adénopathies bénignes
- Sarcoïdose :
- Classiquement : bilatérales, symétriques, interbronchiques, non compressives (aspect de lymphome hilaire bilatéral bénin)
- Histologie nécessaire, sauf syndrome de Löfgren
- Infectieuses :
- Contexte clinique évocateur le plus souvent
- Primo-infection tuberculeuse :
- Plus souvent unilatérale, interbronchique ou latéro-trachéale +/- chancre d'inoculation
- Peuvent être volumineuses, nécrotiques, multiples ou compressives
- Peuvent se fistuliser (plèvre, bronches, parenchyme)
- Infections virales : MNI et rubéole +++
- Infections parasitaires (toxoplasmose) :
- ADP hilaires, parfois associées à infiltrat interstitiel, opacités nodulaires ou épanchement pleural
- Diagnostic = mise en évidence de Toxoplasma gondii dans le liquide bronchique/LBA
- Infections fongiques : histioplasmose, notion de séjour en zone d'endémie
- Silicose : évoquée devant des ADP bilatérales, calcifiées en périphérie (“coquille d'œuf”) avec notion d'exposition
- Maladie de Castleman :
- Hyperplasie ganglionnaire bénigne rare, de diagnostic histologique
- Masse souvent polylobée et hypervascularisée
- Chirurgie indiquée (risque de compression)
- Autres :
- OAP cardiogénique : on peut y observer des ADP médiastinales (augmentation du drainage lymphatique)
5.2.1.2. Adénopathies malignes
- Cancer bronchique primitif :
- Celui qui a le plus souvent une présentation médiastinale est le CPC ; syndrome cave = circonstance de découverte fréquente ; syndrome paranéoplasique souvent associé
- Problème : néoplasique ou réactionnelles ⇒ staging précis ⇒ meilleur prise en charge
- TDM : < 1 cm ⇒ souvent bénignes, > 2 cm ⇒ souvent malignes
- PET : sensibilité = 93%, spécificité = 98%
- Médiastinoscopie : permet de trancher (surtout pour les tumeurs potentiellement opérables)
- Lymphomes :
- Représentent 10 à 20% des tumeurs médiastinales
- Souvent bilatérales et asymétriques, envahissant les structures voisines
- Lymphome Hodgkinien :
- Le plus fréquent, touche surtout l'adolescent et l'adulte jeune
- ADP cervicales et sus-claviculaires souvent associées
- Signes généraux dans 20 à 30% des cas
- Lymphomes non Hodgkiniens :
- Patient souvent plus âgés
- Souvent asymptomatique (85% des cas), ou alors : signes de compression, adénopathies généralisées, signes généraux
5.2.2. Kyste bronchogénique
- Formation kystique bénigne due à une anomalie de l'embryogénèse pulmonaire
- 5 à 7% des tumeurs du médiastin, 50 à 60% des tumeurs kystiques du médiastin
- Paroi interne tapissée par un épithélium bronchique
- Opacité ovalaire dense, bien limitée, longeant un axe aérien, niveau hydro-aérique en cas de communication avec l'arbre bronchique
- Densité scanographie en général très homogène, allant d'une densité liquidienne, jusqu'à tissulaire (matériel endokystique très épais) ou graisseuse (accumulation de cholestérol)
- Exérèse indiquée car risque de complication (compression, surinfection, hémorragie)
5.3. Médiastin postérieur
5.3.1. Tumeurs nerveuses
- 13 à 19% des tumeurs médiastinales
- Bénignes dans 80% des cas
- Localisées le plus souvent dans la gouttière costo-vertébrale
- Asymptomatiques dans 50% des cas
- Clinique :
- Recherche des signes de neurofibromatose de type I (ATCD familiaux, taches café au lait, neurofibromes cutanés)
- Signes de compression médullaire
- Manifestations d'une hypersécrétion endocrine
- IRM : recherche des prolongements médullaires
- Traitement chirurgical
- Tumeurs des gaines des nerfs périphériques :
- Schwannomes (ou neurinomes) = 40-50% des tumeurs nerveuses du médiastin ; Neurofibromes = peuvent être isolés ou entrer dans le cadre d'une neurofibromatose
- Tumeurs bénignes de l'adulte jeune (30-40 ans)
- Dégénérescence maligne dans 5% des neurofibromes
- Récidives rares (après exérèse complète)
- Tumeurs des ganglions sympathiques :
- Ganlioneurome essentiellement, bénin
- Neuroblasome, malin, enfant < 5 ans
- Ganglioneuroblastome (tumeur intermédiaire), touche l'enfant
- On peut retrouver des zones de maturation différentes dans une même tumeur
5.3.2. Méningocèle
- Extrêmement rare
- Hernie méningée constituant une lésion kystique médiastinale postérieure
- TDM et IRM : continuité avec les méninges
- Toujours asymptomatique
5.3.3. Kyste para-œsophagien
- Dysembryoplasie rare, siège dans la paroi musculaire de l'œsophage
- Peut donner des signes de compression bronchique ou œsophagienne
- Traitement chirurgical (risque de complication : ulcération, perforation, hématémèse, suppuration)
6. Démarche diagnostique
- Interrogatoire :
- Tabagisme, expositions professionnelles
- Contage tuberculeux
- Signes généraux
- Signes de myasthénie (thymome)
- Examen clinique :
- Signes médiastinaux (compression)
- ADP périphériques, HPM, SPM
- Tumeur testiculaire
- Hippocratisme digital
- Radiographie et TDM : examens clés (sauf en cas de suspicion de goitre plongeant ⇒ scintigraphie thyroïdienne)
- Topographie exacte, densité ⇒ oriente la suite
- Parfois, permet d'emblée de poser un diagnostic avec quasi certitude (goitre, kyste pleuro-péricardique, lipome, méningocèle)
- IRM : pas systématique
- Si suspicion d'envahissement cardiovasculaire, costo-vertébrale ou médullaire (médiastin postérieur)
- Fibroscopie bronchique : systématique
- Compression des voies aériennes, mobilité des cordes vocales
- Lésion à biopsier et prélèvements bactériologiques (BK)
- Échographie cardiaque : peu d'indications, peut être utile pour confirmer la nature liquidienne d'une opacité
- Examens biologiques : guidés par le tableau radio-clinique
- Thyroïde, B-HCG, AFP, LDH, Ac anti-récepteurs-acétylcholine, sérologies VIH…
À ce stade, si le diagnostic n'est pas posé ⇒ prélèvement histologique (choix de technique à discuter en RCP) :
- Ponction-biopsie transthoracique scano-guidée : contributive dans 84 à 100% des cas
- Médiastinoscopie : geste chirurgical sous AG de faible morbidité
- Explore certains territoires ganglionnaires
- Médiastinotomie antérieure : geste chirurgical sous AG
- Pour les tumeurs du médiastin antérieur
- Tend à être remplacée par la vidéo-thoracoscopie
7. Conclusion
- Examen clé = TDM
- Histologie souvent nécessaire
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