cours:residanat:pneumologie:kystes_hydatique
Table des matières
Kyste hydatique pulmonaire
1. Introduction
- Anthropozoonose, due au développement pulmonaire de kystes correspondant à la forme larvaire d'Echinococcus granulosus (taenia des canidés)
- Représente 20-40% de l'ensemble des KH, 90% des KH intra-thoraciques
- Formes radio-cliniques diverses
- Autre localisation associée dans 17-50% des cas (intra-thoracique 2-5%, hépatique 6-30%)
2. Épidémiologie
- Adulte jeune de 20 à 30 ans, sans prédominance de sexe
- Localisation pulmonaire = la plus fréquente chez l'enfant
- Fréquence dans le monde : Moyen-Orient, Afrique du nord et de l'Est, Australie, Argentine
- Algérie : 2000 interventions chirurgicales chaque année (sous estimé : non déclaration de nombreux cas)
3. Parasitologie
3.1. Le parasite
- Echinococcus granulosus = métazoaire hermaphrodite
- Embranchement des Platherlminthes, classe des Cestodes, ordre des Cyclophillidés, famille des Tæniadés, genre Echinococcus
3.2. Cycle naturel
- Deux phases chez 2 hôtes différents :
- Hôte définitif :
- Mammifère carnivore Canidé (chien++, rarement chacal, cerf, loup, renard…)
- Vit dans son intestin
- Tænia d'environ 5 cm de long, avec tête et corps constitué de 3 ou 4 anneaux
- Le dernier (anneau germinatif) renferme 400 à 800 œufs (embryophores : coque résistant contenant un embryon hexacanthe (6 crochets))
- L'anneau germinatif une fois mature se détache et se dissémine dans le milieu extérieur (avec les déjection) ⇒ contamine les eaux et les pâturages ⇒ contamine les hôtes intermédiaires
- Hôte intermédiaire :
- Mammifère herbivore ongulé Ovins (mouton++, rarement bœuf, cheval, porc, dromadaire…)
- Le parasite infeste alors les abats
- L'hôte définitif se ré-infeste en consommant ces abats (décès naturel, abattage clandestin…)
3.3. Chez l'homme
- L'homme est un haute accidentel
- N'héberge que la forme larvaire
- Toujours contaminé par voie digestive (caresser un chien, jouer sur un sol souillé, boire ou consommer des végétaux souillés)
- Pénétration et dissémination :
- Les œufs parviennent à l'estomac ⇒ coque dissoute par l'acidité ⇒ embryons libérés, qui franchissent activement la muqueuse (aidés par les contractions intestinales, leurs crochets et sécrétions)
- Les embryons s'engagent dans les capillaires sanguins ⇒ courant portal (plus rarement : voies lymphatique, et atteinte par contiguïté)
- 60% sont stoppés dans le foie
- Le reste passe dans les poumons (VCI, cœur droit), 75% sont stoppés
- Ceux qui passent dans la grande circulation peuvent ensuite atteindre tous les organes
- Au niveau du poumon :
- Les embryons fixés sont rapidement circonscrit par un granulome inflammatoire ; ils peuvent être détruits (réaction de rejet) ou poursuivre leur évolution ⇒ forme kystique
- Kyste hydatique :
- Structure uni-vésiculaire de petite taille et sous tension
- Paroi de 1,5 mm, faite de 2 membranes accolées : membrane proligère et la cuticule (en dehors)
- Entraîne la formation d'une coque scléro-inflammatoire au niveau du parenchyme tout au tour (appelée adventice ou périkyste)
- Peut atteindre 20 cm de diamètre, et avoir un contenu de plus de 3L
- Contenu : liquide hydatique eau de roche (= transsudat de sérum), d'abord acéphalocyte puis se chargeant de protoscolex ; sa centrifugation = sable composé de protoscolex, vésicules proligères et fragments de membrane (tous potentiellement fertiles)
- En augmentant de taille, le kyste entre en contact avec les éléments bronchiques et vasculaires de plus gros calibre ⇒ nécrose ischémique et érosion de la paroi bronchique ⇒ fistulisation broncho-kystique = prélude aux complications
4. Diagnostic positif
4.1. Circonstances de découverte
- KH pulmonaire fermé :
- Longtemps latent et bien toléré, découverte fortuite le plus souvent
- Triade : toux tenace sèche, hémoptysie et douleur thoracique = évocatrice en pays endémique
- KH fissuré en intra-bronchique :
- Expectoration hémoptoïque peu abondante
- Rarement réaction urticarienne, voir choc anaphylactique
- KH rompu en intra-bronchique :
- Vomique d'un liquide clair eau de roche, au goût salé, pouvant contenir des fragments de membrane (peaux de raison sucées)
- Peut donner : réaction allergique, suppuration, dissémination bronchogène
- KH rompu en intra-pleural :
- Aiguë : Hydro-PNO, détresse respiratoire, +/- choc anaphylactique ou pyo-PNO
- Insidieuse : hydatidose pleurale secondaire, 3 phases cliniques successives : bruyante, concomitante à la rupture, latente, puis phase d'état (symptomes non spécifiques : dyspnée, douleur)
- KH sur-infecté :
- Tableau de suppuration bronchopulmonaire (fièvre, toux, expectoration purulente, AEG, hyper-PNN)
4.2. Imagerie
4.2.1. KH pulmonaire fermé
- Radiographie :
- Opacité dense (hydrique), homogène, bien limitée, entourée de parenchyme sain, de taille variable
- Initialement arrondi, puis peut se déformer au contacte des différentes structures
- Siège de prédilection : segment postérieur des lobes inférieurs, surtout à droite
- Échographie thoracique :
- Plage anéchogène, arrondie, suivi d'un renforcement plus ou moins franc des échos postérieurs
- On peut voir des échos punctiformes disséminés à l'intérieur, un décollement membranaire, ou exceptionnellement des vésicules filles
- Aspect de dédoublement pariétal superficiel (sonde à haute fréquence)
- Limitée en cas de KH volumineux ou centraux
- TDM thoracique :
- Pas systématique en pays d'endémie, mais peut être très utile en cas d'aspect atypique et quand la sérologie n'est pas disponible (affections tumorales ou inflammatoires)
- Image de densité hydrique, homogène, entourée d'une paroi de 2 à 10 mm d'épaisseur
- PDC : pas de changement du kyste, possible rehaussement du périkyste
- IRM : rarement indiquée
- Image caractéristique de la nature parasitaire
4.2.2. KH pulmonaire compliqué
4.2.2.1. Ruptures
- Accidents les plus fréquemment observés (périkyste plus fin que dans le foie)
- KH fissuré dans les bronches :
- Apparition d'un espace aérique entre périkyste et hydatide ⇒
- Pneumokyste (TDM) : dissection aérique pariétale d'abord minime, puis jusqu'à apparition d'un croissant gazeux coiffant le dôme du kyste ⇒ signe du “croissant aérique” ou du “ménisque”
- Peut être en position déclive (existence d'une synéchie hydatido-périkystique localisée)
- KH vomiqué dans les bronches :
- Cavité avec niveau hydro-aérique et pneumopathie infiltrative d'inhalation (segmentaire, lobaire, parfois plus étendue)
- Plusieurs aspects se succèdent dans le temps :
- “Double croissant aérique” ou signe d'“Ivassinevitch” :
- Dans les suites précoces de la vomique
- Juxtaposition de deux épanchements aériques : péri- et intra-hydatide, séparés par la membrane hydatique décollée et flétrie
- Signe du “nénuphar” ou “membrane flottante” : le plus caractéristique et le plus fréquent
- Affaissement secondaire de la membrane hydatique, qui flotte à la surface du liquide hydatique
- Niveau hydro-aérique parfaitement horizontal : plus rare
- Su voit en cas d'évacuation complète de la membrane ou son immersion totale
- Image de rétention de membrane sèche : soit :
- Aspect de grelot non spécifique au sein d'une cavité complètement vidée
- Membrane pelotonnée cernée par de l'air (aspect spongieux de “ring within a ring”)
- Image en cocarde (opacité ronde entourée d'une clarté aérique) quand la membrane résiduelle reste solidaire du périkyste
- Microcavité pleine (rétraction complète d'une cavité à paroi souple sur la membrane hydatique)
- Image d'une cavité complètement aérique à paroi fine :
- Faisant suite à l'évacuation totale du liquide et de la membrane
- Image d'un collapsus segmentaire ou lobaire non aéré, ou d'une pneumonie obstructive :
- Traduit un enclavement membranaire
- Un KH noyé au milieu de la condensation alvéolaire (pas toujours évident sur le TLT) ⇒ TDM
- KH rompu dans la plèvre :
- Complication rare, mais aux conséquences dramatiques (rupture aiguë) et les problèmes thérapeutiques (hydatidose pleurale)
- Peut être spontanée (favorisée par la taille du kyste et sa situation périphérique) ou provoquée par une quinte de toux, un traumatisme ou une ponction accidentelle
- Rupture aiguë :
- Pleurésie, PNO ou hydro-PNO
- Membrane ou vésicules hydatiques surnageant le liquide, ou noyés dans l'épanchement, ou tassées dans un CDS pleural
- Image de kyste rompu, souvent invisible au TLT ⇒ TDM
- Rupture insidieuse :
- Plus fréquente
- Pyothorax localisé ou de la grande cavité
- Hydatidose pleurale secondaire (peut envahir les poumons, se rompre dans les bronches, ou s'incruster dans le médiastin, le diaphragme et la paroi si non traitée)
4.2.2.2. Surinfection
- Favorisée par la fistule broncho-kytique et l'accumulation de sécrétions bronchiques et de bactéries dans le KH
- Pyopneumokyste : kyste à paroi épaissie et cerné par une condensation parenchymateuse
- La paroi est lisse et nette du coté interne, irrégulière et flou du coté externe, peut se rehausser au PDC
- Bulles gazeuses disséminées au sein du contenu du kyste, ou un niveau hydroaérique peuvent se voir
4.2.2.3. Compression
- Apanage des KH volumineux
- Refoulement (médiastin, diaphragme)
- Troubles de ventilation (bronches laminées)
- Manifestations inflammatoires parenchymateuses, jusqu'à fibrose
4.3. Autres examens
- Fibroscopie :
- En cas de doute avec néoplasie
- Souvent normale, ou compression extrinsèque en cas de kyste fermé
- Membrane blanc nacré accouchée dans la lumière bronchique en cas de kyste rompu
- Biologie :
- Hyperéosinophilie dans 20-40% des cas
- Ne doit pas retarder le diagnostic
- Parasitologie :
- Mise en évidence d'éléments parasitaires (protoscolex, fragments de membrane, crochets) possible (crachats, vomique, aspiration bronchique, voir ponction malencontreuse d'un kyste)
- Sérologie :
- Positive dans 40 à 85% des KH pulmonaires, surtout si compliqué ou KH hépatique associé
5. Formes particulières
5.1. Hydatidose pulmonaire de l'enfant
- Localisation hydatique la plus fréquente chez l'enfant car :
- Filtre hépatique poreux avec sinus encore larges
- Immaturité pulmonaire
- Faible résistance à l'invasion parasitaire
- Caractéristiques à cet âge :
- Croissance rapide
- Aspect toujours uniloculaire
- Meilleur pronostic
- Souvent entre 9 et 15 ans, des cas chez les nourrisson sont également rapportés
- Longtemps asymptomatique, ou signes d'appel respiratoires
- On peut voir aussi : retard de croissance, anémie, retard pubertaire
- Les kystes géants exposent à des risques de :
- Déformations thoraciques
- Décès par rupture et inondation massive
- Imagerie : idem adulte
- Principal diagnostic différentiel à cet âge : pneumonie à foyer rond
5.2. Hydatidose pulmonaire multiple
- Se voit dans 12% des cas
- Diagnostic facile, prise en charge difficile
- Sans PEC ⇒ insuffisance respiratoire et CPC
- Hydatidose pulmonaire multiple primitive : la plus fréquente
- Résulte d'une infestation massive et répétée ⇒ KHs d'âges différents
- Souvent latente cliniquement
- Opacités rondes de dimensions variables (“lâcher de ballons” rare)
- Hydatidose pulmonaire multiple secondaire : plus rare
- Se fait plus fréquemment par voie hématogène métastatique que par voie muqueuse bronchogénique
- Plusieurs phases évolutives :
- Phase cataclysmique (lors de la rupture)
- Phase de latence (quelques mois/années)
- Phase d'état (traduction radio-clinique)
- Phase de complications (surinfection, rupture, compression)
- Dissémination métastatique :
- Ensemencement du parasite à partir de la circulation pulmonaire (KH cardiaque rompu dans le cœur droit, ou KH hépatique rompu dans le couvant cave)
- Évoquée devant :
- Kystes multiples de petites taille
- Bilatéraux et symétriques
- Siège périphérique et basal, le long des axes artériels
- Des inégalités de taille peuvent se voir (potentiel de croissance différent)
- Dissémination bronchogénique :
- Ensemensement du paratiste le long des axes bronchiques (KH pulmonaire rompu)
- Généralement homolatéraux au KH primitif, et systématisés
- Peuvent être bilatéraux
- Évolution souvent émaillée de micro-vomiques vésiculaires récidivantes caractéristiques
5.3. Complications thoraciques du KH hépatique
- Rupture intra-thoracique dans 2 à 11% des cas de KH hépatique
- Complication grave : lésions possibles du diaphragme, de la plèvre, du parenchyme et de l'arbre bronchique ; décès dans 9 à 43% des cas
- Apanage des kystes multivésiculaires vieillis, saillant à la surface du dôme ou de la face postérieure du foie
- Le lobe inférieur droit est le plus souvent touché (58%)
5.4. Formes associées
- Peut s'associer à :
- Pneumonies
- Aspergillome dans la cavité d'un KH vomiqué
- Tuberculose (diagnostic le plus souvent anapath)
6. Diagnostic différentiel
6.1. À la radiographie thoracique
- Opacité ronde solitaire : cancer, tuberculose, abcès, tumeur bénigne, infarctus rond, hématome, pneumonie ronde, kyste bronchogénique intra-parenchymateux, épanchement interlobaire enkysté, kyste pleuro-péricardique
- Signe du croissant : aspergillose, hématome pulmonaire, tumeur nécrosée
- Image cavitaire aérique : bulle ou peumatocèle, notamment chez l'enfant
- Image en grelot : aspergillome, séquestre caséeux ou pyogèe, cancer nécrosé, caillot intra-cavitaire
- Niveau hydroaérique : abcès, caverne incomplètement détergée, bulle surinfectée, cancer nécrosée
- Localisations multiples : métastases, staphylococcie
- Localisations juxta-médiastinale : anévrysme de l'aorte, masse médiastinale, hypertrophie auriculaire gauche
- Localisations juxta-pariétales : abcès froid, pleurésie enkystée, hématome, tumeur
6.2. À l'échographie
- Hématome
- Épanchement pleural enkysté
- Kyste bronchogénique ou pleuro-péricardique
7. Traitement
- Traitement du kyste hydatique : essentiellement chirurgical, consistant en :
- Évacuer le kyste : soit par :
- Kystectomie : extraction de la membrane après stérilisation et aspiration du contenu du kyste
- Périkystectomie : emportant en bloc kyste et périkyste
- Traiter la cavité résiduelle : selon les cas :
- Simple suture des brèches vasculaires et bronchique (si périkyste souple)
- Périkystectomie avec capitonnage
- Résection pulmonaire atypique (emportant les zones non ventilées)
- Résection pulmonaire réglée
- Traitement de la rupture intra-pleurale aiguë :
- Évacuation et lavage minutieux avec un scolicide
- Suture de la brèche pleurale
- Traitement du kyste rompu
- Traitement médical : à discuter si :
- Patient inopérable
- Adjuvant à la chirurgie en cas de localisations multiples
- Quand l'exérèse totale est incertaine
- Rupture per-opératoire du KH
7.1. Imagerie des aspects post-thérapeutiques
- Dans 2/3 des cas : suites opératoires simples et guérison sans séquelles
- Mortalité péri-opératoire faible (1%), morbidité également (4-12%)
- Complications post-opératoires immédiates : suppurations, fistules aériennes prolongées (⇒ PNO)
- À distance : images séquellaires possibles (opacités linéaires, microcavités aériques)
- Complications tardives : rares, nécessitent une surveillance radio-sérologique régulière :
- Persistance d'une cavité résiduelle post-op (peut être source d'hémoptysie, surinfection, greffe aspergillaire)
- Récidive hydatique (2% des cas) par ré-infestation ou dissémination bronchogénique
- Hydatidose pleurale
- DDB
8. Conclusion
- Problème de santé publique das les zones d'élevage des pays en développement
- Diagnostic radio-clinique
- Pronostic amélioré grâce aux nouvelles thérapeutiques
- Mesures prophylactiques +++
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