cours:residanat:pneumologie:infections_respiratoires_nosocomiales_et_leur_prevention
Table des matières
Pneumonies nosocomiales
Objectifs pédagogiques :
- Définition, Sévérité et Multi-résistance
- Germes en cause
- Hygiène hospitalière, asepsie aux cours des gestes médicaux
- Précautions et lavage des mains
1. Introduction
- Infection acquise en milieu hospitalier : ni présente, ni en incubation à l'admission ; développée après 48-72h d'hospitalisation
- PN précoces : avant J5, germes plutôt extra-hospitaliers
- PN tardives : après J5, germes plutôt intra-hospitaliers
- Pneumonie Nosocomiale inclue :
- Pneumonie Acquise à l’hôpital (PAH)
- Pneumonie Acquise sous Ventilation (PAV)
- Pneumonie Associée aux Soins (HealthCare Associated Pneumonia)
2. Épidémiologie
- 3e cause d'infections hospitalières (après infections urinaires et du site opératoire)
- 0,5 à 1,5% des malades hospitalisés ; 10 à 30% des malades ventilés
- Influence du terrain (comorbidités, notamment respiratoires : ex. BPCO)
- Problème majeur de santé publique : fréquence, coût (prolongement d'hospitalisation, traitements), gravité (résistance, morbidité et mortalité) et diagnostic difficile (polymorphisme clinique et bactériologique)
3. Facteurs prédisposant
- Facteurs intrinsèques :
- Âge (> 70 ans)
- ATCD broncho-pulmonaires
- OAP
- Coma
- Choc
- Sepsis
- Acidose
- Insuffisance rénale
- Facteurs extrinsèques :
- Anesthésie
- Chirurgie abdominale haute et/ou thoracique
- Ventilation artificielle, sédatifs, barbituriques
- FiO2 élevée
- Sonde naso-gastrique, anti-H2, anti-acides (altération de la barrière gastrique)
4. Pathogénie
- Défaillance des défenses :
- Diminution du flux salivaire, modification des glycoprotéines de surface, perte d'IgA ⇒ favorisent la colonisation
- Altération du réflexe de toux et des fonctions glottiques, altération de l'état de conscience ⇒ favorisent l'inhalation
- Colonisation oro-pharyngée :
- La flore commensale de l'oropharynx évolue vers une flore Gram négatif antibiorésistante (diminution de la fibronectine qui normalement évite l'adhésion des BGN à la paroi pharyngée)
- Sources des germes :
- Flore endogène oro-pharyngée et digestive (surtout l'estomac) par voie rétrograde
- Transmission manu-portée
- Environnement (surtout pour les virus et le Pseudomonas) : appareil de ventilation, aérosolisation, aspiration endo-bronchique non décontaminée
- Accès des germes aux poumons :
- Le plus souvent par micro-aspiration des sécrétions oro-pharyngées
- Rarement par inhalation ou aérosolisation (oxygénothérapie, humidificateurs, nébuliseurs)
- Exceptionnellement par propagation d'une infection contiguë ou embole septique au cours d'une bactériémie
- Les micro-organismes de 0,5 à 2 µm peuvent atteindre les alvéoles
- Interaction avec les défenses pulmonaires :
- La survenue de l'infection dépend de : inoculum ; virulence ; défenses (locales et systémiques)
- Poumon lésé ⇒ les alvéoles contiennent un exsudat inflammatoire favorable au développement des germes ⇒ inoculum moins important peut causer l'infection
5. Diagnostic
- Difficile :
- Clinique, radiologie et biologie non spécifiques
- Flore polymicrobienne : difficile de déterminer si le ou les agents isolés sont responsables de la pneumonies
- Diagnostic radio-clinique :
- Peut être facile :
- Hospitalisé depuis plus de 72h
- Non intubé
- Sans antécédents respiratoires
- Sans antibiothérapie préalable
- Qui développe un syndrome infectieux clinique et biologique
- Avec signes respiratoires et image radiologique nouvelle
- Peut être difficile :
- Antécédents respiratoires, immunodépression
- Intubé
- Signes cliniques et radiologiques peuvent faire défaut ou être expliqués par d'autres causes (SDRA, hémorragie alvéolaire, effets secondaires aux traitements)
- Diagnostic microbiologique :
- Méthodes non invasives :
- Hémoculture et/ou prélèvement d'un foyer suppurée autre (diagnostic dans 10% des cas)
- ECBC : n'est utile que pour des germes non colonisant des voies aériennes (BK, légionella) ; spécificité médiocre
- Détection d'antigènes (legionella, certains virus ex. CMV)
- Méthodes invasives :
- Aspiration endo-trachéale non protégée : bonne sensibilité (seuil de positivité : > 106 UFC)
- Brossage endo-bronchique distal protégé : identifie 60% des cas de vraies PN (seuil de positivité : > 103 UFC)
- LBA : sensibilité 47-91%, spécificité 45-100% (seuil de positivité : > 104 UFC)
6. Diagnostic étiologique (germes en cause)
- BGN (60%) : Pseudomonas aeruginosa, Acinetobacter, Klebsiella pneumoniae, Enterobacteriaceae, Haemophilus influenzae, Escherichia coli
- Staphylocoque (40%) : aureus 30%, epidermidis 10%
- Selon le terrain et le moment de survenue :
- PN précoce : germes proche des pneumonies communautaires (Staph aureus meti-S, Pneumocoque, Haemophilus)
- PN tardives : germes souvent résistants (Pseudomonas, Acinetobarcter, Staph aureus meti-R)
- Autres : moins fréquentes (ou moins fréquemment démontrées))
- Virus : contexte épidémiques, souvent en réa pédiatrique
- Anaérobies : inhalation
- Champignons : 10% des cas (Candida spp)
Facteurs de risque de germe multi-résistant (ATS 2004) :
- Antibiothérapie dans les 3 mois précédents
- Hospitalisation (actuelle) supérieure à 5 jours
- Fréquences des germes résistants dans la flore du service
- Facteur de risque de pneumonie associée aux soins (HealthCare Associated Pneumonia)
- Hospitalisation de 2 jours au moins dans les 3 derniers mois
- Vie en institution
- Thérapie intra-veineuse à domicile (antibiotiques y compris)
- Dialyse dans le mois précédent
- Soins de blessure à domicile
- Membre de la famille porteur de germe pathogène multi-résistant
- Immunodépression (maladie et/ou traitement)
7. Diagnostic différentiel
- SDRA :
- Très difficile à différentier d'une atteinte bactérienne :
- Toute atteinte bactérienne peut provoquer un SDRA
- Tout SDRA peut se surinfecter
- ⇒ Prélèvements +++
- Atélectasie :
- Intérêt de la TDM + fibroscopie
- Embolie pulmonaire :
- Dégradation gazométrique chez un patient hospitalisé, alité
- Angio-TDM + échodoppler des MI
- Prévention des MTEV
- Œdème pulmonaire hémodynamique :
- Terrain (cardiaque, néphropathie)
- Pressions de remplissage élevées
- Fibrose
- Hémorragie alvéolaire
8. Évolution
- 20-50% de mortalité chez le patient ventilé = 1ère cause de décès par infection nosocomiale
- FDR de décès dans ce contexte :
- Âge
- Comorbidités
- Atteinte bilatérale
- IRA
- Antibiothérapie inadaptée
- Germes à haut risque (Pseudomonas, Acinetobacter, infection polymicrobienne)
9. Traitement
- Antibiothérapie :
- Initialement selon les FDR de germes multi-résistants :
- Hospitalisation > 5 jours OU FDR (voir encadré dans Diagnostic étiologique) ⇒ Antibiothérapie large spectre englobant les germes multi-résistants
- Si non ⇒ Antibiothérapie à spectre plus réduit (germes plutôt communautaires)
- Toujours réévaluer en envisager une réduction du spectre dès identification du germe
- Antibiothérapie initiale inappropriée = FDR de mortalité +++
- Importance d'avoir des données microbiologiques locales +++
Patient sans FDR de germes multi-résistant :
- Germes potentiels : BGN sensibles (Enterobacter, E. coli, Klebsiella, Proteus, Serratia), Haemophilus, Staph aureus meti-S, Pneumocoque
- Antibiotiques (au choix) :
- C2G/C3G sans activité sur pseudomonas
- Augmentin®
- Fluoroquinolone
- Clindamycine (lincosamide) + aztréonam (monobactam)
Patient avec FDR de germe multi-résistant :
- Germes potentiels : précédents + Pseudomonas, Klebsiella, Acinetobacter, Staph aureus meti-R, Legionella
- Antibiotiques (association) :
- Cephalosporine anti-pseudomonas (ex. Ceftazidime (Fortum®)) OU Carbapenem (ex. Imipénèm+Cilastine (Tienam®)) OU Uréidopénicilline (ex. Piperacilline+Tazobactam (inhibiteur de bêta-lactamases))
- Fluoroquinolone OU Aminoside (Legionella suspectée ⇒ préférer Fluroquinolone (ou Macrolide))
- Vancomycine (si Staph très suspecté ou grande incidence locale)
10. Prévention
10.1. En réanimation
- Risque infectieux exogène : (mains des personnels soigants et environnement hospitalier)
- Lavage régulier des mains, et port de gants
- Eau stérile pour l'oxygénothérapie, les aérosols et les humidificateurs
- Nettoyage et décontamination quotidien des réservoirs d'humidification
- Stérilisation des circuits de ventilation entre deux malades
- Risque infectieux endogène : (inhalation de liquide gastrique)
- Position demi-assise
- Eviter la sédation profonde (morphiniques) et la curarisation (inhibe la motilité gastrique)
- Utiliser des sondes gastriques de petite taille
- Prévention de l'inhalation de sécrétions oro-pharyngées :
- Désinfection de l'oro-pharynx avant intubation (autant que possible)
- Aspirations régulières de l'oro-pharynx et du nez (3-4h) après lavages (SSI et antiseptiques = efficacité identique)
- Prévention de la colonisation des voies aériennes inférieures :
- Éviter la sédation profonde (réflexe de toux)
- Aspirations bronchiques seulement à la demande (en fonction de l'encombrement) ; aspiration douce, lavage des mains + gants, sonde stérile, liquide de rinçage stérile
- Manipulation aseptique de la canule de trachéotomie
10.2. En chirurgie
- Kinésithérapie en préopératoire (fortement conseillée chez le BPCO) et en postopératoire (éviter l'encombrement)
- Lever précoce
— Résumé basé sur le cours de Pr. Bencharif (2010) ainsi que sur les recommandations ATS 2004 pour la partie traitement (Guidelines for the Management of Adults with Hospital-acquired, Ventilator-associated, and Healthcare-associated Pneumonia)
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