Table des matières
Infections respiratoires de l'immunodéprimé (hors VIH)
1. Introduction
- Nombre de patients immunodéprimés en augmentation (transplantation, nouvelles thérapeutiques immunosuppressives)
- Pneumonies infectieuses = plus fréquente des complications infectieuses dans ce contexte
- Morbidité et mortalité non négligeable
- Nombreux pathogènes pouvant être impliqués (seul ou associés, communautaires ou opportunistes)
2. Stratégie diagnostique
- Anamnèse +++
- Profile d'immunodépression, selon pathologie sous-jacente et traitements reçus
- Clinique souvent atypique
- Explorations parallèles à la mise en route d'un traitement probabiliste (qui ne doit pas être retardé)
2.1. Évaluation du risque infectieux
2.1.1. Profils d'immunosuppression
| Type d'immunosuppression | Infections favorisée |
|---|---|
| Granulopénie et/ou granulopathie | Bactéries Champignons |
| Déficit humorale | Bactéries encapsulées |
| Déficit cellulaire | - Bactéries : Nocardia, Legionella - Mycobactéries - Virus - Champigons (Pneumocystis, Cryptococcus, Histoplasma, Coccidioides immitis) - Parasites (Toxoplasma) |
| Dysfonction splénique | Bactéries encapsulées (Pneumocoque) |
2.1.2. Risque infectieux selon les pathologies
- Tumeurs solides :
- Pneumonies fréquentes
- Complications du traitement (neutropénie chimio-induite, effets locaux de la radiothérapie, corticothérapie séquentielle)
- Localisations secondaires
- Hémopathies malignes :
- Pneumonies fréquentes, et pourraient constituer un facteur pronostic défavorable
- Facteurs d'immunodépression multiples, induits par la maladie et son traitement :
- Altération de la phagocytose
- Altération de l'immunité cellulaire
- Hypo-gamma-globulinémie
- Neutropénie chimio-induite
- Fludarabine ⇒ déficit cellulaire profond et prolongé
- Greffe de cellules souches hématopoïétiques :
- Neutropénie profonde de plusieurs semaines constante
- Réaction du greffon contre l'hôte ⇒ diminution de l'immunité ⇒ traitement immunosuppresseur intense + corticothérapie forte dose nécessaire
- Hyposplénisme persistant après l'irradiation corporelle totale
- Transplantation d'organes :
- Pneumonies fréquentes, mêmes pathogènes quelque soit l'organe transplanté
- Risque infection corrélé à l'intensité du traitement immunosuppresseur et aux techniques chirurgicales utilisées
- Suites précoces : risque lié surtout aux infections nosocomiales et à la réanimation (plus qu'à l'immunosuppression)
- Après : risque infection lié à l'immunosuppression (germes opportunistes ++)
- Au-delà de 6 mois : risque infectieux diminue nettement, plus lié à des germes communautaires (la plupart des patients ne reçoivent plus qu'une légère immunosuppression) ; sauf si rejet chronique et nécessité d'immunosuppression puissante prolongée
- Maladies de système et biothérapies :
- Effets des traitements + déficit inhérent aux maladies de système
- Corticothérapie, azathioprine, cyclophosphamide, anti TNF-α, anti CD20 (rituximab)
- Pneumonies surtout bactériennes et mycobactériennes plus qu'opportunistes
- Forte association entre risque de tuberculose et anti TNF-α
| Terrain sous-jacent | Type d'immunodépression |
|---|---|
| - Chimiothérapie (tumeurs solides, hémopathies) - Hémopathies malignes | Granulopénie et granulopathie |
| - Leucémie lymphoïde chronique, myélomes, greffe de CSH - Déficit congénitaux - Traitement anti CD20 | Déficit humoral |
| - Immunosuppresseurs, anti CD52, sérum anti-lymphocytaire, analogues de la purine - Corticothérapie prolongée - Greffe de CSH, Hodgkin, maladies lymphoprolifératives | Déficit cellulaire |
| - Splénectomie - Asplénie fonctionnelle (irradiation, drépanocytose) | Dysfonction splénique |
| Terrain | Granulopénie & granulopathie | Déficit Humoral | Déficit cellulaire | Dysfonction splénique |
|---|---|---|---|---|
| - Chimiothérapie - Hémopathies - Greffe de CSH - Déficit congénitaux - Anti-CD20 - Immunosuppresseurs - Corticothérapie prolongée - Splenectomie ou asplénie fonctionnelle | X X - - - - - - | - X X X X - - - | - X X - X X X - | - - X (irradiation) - - - - X |
Ne pas oublier de prendre en compte les différents traitements anti-infectieux pris par le patient +++
2.2. Présentation clinique
- Début souvent aigu ou subaigu
- Les corticoïdes à forte dose peuvent masquer la fièvre
- Le reste des signes cliniques n'ont aucune spécificité étiologique
- Contrairement aux signes extra-respiratoires, qui ne sont pas rares, et ont une grande valeur d'orientation :
- Pneumonie nodulaire + atteinte cérébrale ⇒ mycose profonde (aspergillose, mucormycose), toxoplasmose, cryptococcose, mycobactériose, nocardiose
- Localisation cutanée ⇒ mycose (candidose, fusariose, aspergillose), nocardiose
- Sinusite ⇒ aspergillose, mucormycose
2.3. Outils diagnostiques
2.3.1. TDM thoracique
- Supériorité à la radiographie clairement établie dans ce domaine
- L'aspect TDM peut être corrélé à l'agent infectieux (exemple : nodules < 10 mm de distribution bronchogène ⇒ infection virale d'abord, puis certaines infections bactériennes (pseudomonas, hemophilus, staphylocoque doré)) et à la pathologie sous-jacente (exemple : signe du halo ⇒ très évocateur d'infection fongique chez le neutropénique ; cette infection peut revêtir d'autres aspects chez d'autres populations à risque)
- Permet d'orienter les prélèvements ⇒ améliore la rentabilité
2.3.2. Examens microbiologiques non invasifs
2.3.2.1. Directs
- Expectoration :
- Difficile de faire la part des choses entre colonisation et infection
- Expectoration induite : grande sensibilité pour le diagnostic de pneumocystose chez le VIH ; intérêt incertain dans les autres immunodépressions (mal évalué) ⇒ LBA = référence
- Aspiration naso-pharyngée :
- Très utile pour la détection des virus respiratoires
- La PCR a supplanté l'immunofluorescence et la culture
2.3.2.2. Indirects
- Antigènes urinaires :
- Très utile pour le diagnostic des Legionelloses sérotype 1, et pneumocoque
- Sensibilité et spécificité équivalentes chez l'immunodéprimé et l'immunocompétent
- Antigène galactomannane :
- Antigène polysaccharide de la paroi d'Aspergillus et de Penicillium, libéré lors de la croissance de ces champignons
- Technique de détection de référence : Platelia™ (technique Elisa)
- Intérêt du dosage sanguin démontré : sensibilité et spécificité élevées pour le diagnostic d'aspergillose pulmonaire invasive (seuil de positivité = 0,5 µg/l) (surtout en hématologie, mais plus limité en transplantation d'organes solides)
- Intérêt du dosage dans le LBA également démontré, seuil de positivité discuté (0,5 ou 1 µg/l)
- Chez un patient avec Aspergillose Pulmonaire Invasive, le taux augmente de < 0,5 à > 1 en 2-3 jours
- Antigène bêta-D glucane
- Composant de la paroi de nombreux champignons
- Intégré dans les critères d'infection fongique invasive
- Mais l'intérêt semble limité (manque de spécificité pour le diagnostic d'aspergillose invasive)
- Très intéressant pour le diagnostic de pneumocystose chez le patient non-VIH (mais pas encore intégré à la routine)
2.3.3. Endoscopie : LBA et aspiration bronchique
- Fibroscopie + LBA = examen de référence dans l'exploration des opacités pulmonaires de l'immunodéprimé
- Rendement diagnostic (microbiologique) = 60%
- Cytologie ⇒ oriente, sans être spécifique
- Permet l'identification des bactéries (même si antibiothérapie en route), champignons (Pneumocystis, Aspergillus, Cryptococcus), virus (CMV, HSV, VRS…) et parasites (Toxoplasma)
2.3.4. Biologie moléculaire
- Place de plus en plus importante, mais pas de standardisation en terme d'échantillon, de technique et de cible
- PCR positive ne signifie pas forcément infection (colonisation des voies aériennes distales)
- PCR pneumocystis dans LBA ⇒ excellent VPN (utile pour exclure le diagnostic, mais pas pour l'affirmer)
- PCR aspergillus dans le sang/sérum/LBA ⇒ modalités très variables, interprétation difficile
- PCR virus ⇒ a supplanté les techniques traditionnelles
2.3.5. Biopsie pulmonaire
- Deux techniques : transthoracique scanno-guidée ou chirurgicale (thoracoscopie ou thoracotomie)
- Permet un diagnostic précis pour la plupart des patients
- Mais : morbidité et mortalité élevées ⇒ balance bénéfice/risque
3. Caractéristiques et prise en charge des différents types de pneumonies
3.1. Pneumonies bactériennes et mycobactériennes
3.1.1. Pneumonies bactériennes
- Sont les plus fréquentes
- Surtout lors d'épisodes de neutropénies, en post-op de greffe d'organe ou traitement anti-TNF-α
- Légionellose :
- Cause importante de pneumopathie nosocomiale, surtout après transplantation
- Clinique : non spécifique (signes gastro-intestinaux précédant parfois la pneumonie)
- Diagnostic : culture de prélèvements respiratoires (pas toujours disponible) ; antigènurie très utile mais seulement pour le sérogroupe 1 (les légionelloses nosocomiales sont souvent d'autres sérogroupe) ; PCR Legionella
- Traitement : macrolide ou fluoroquinolone (éviter l'érythromycine) ; double antibiothérapie justifiée en cas de forme sévère
- Nocardiose :
- Bactérie filamenteuse aérobie Gram positif
- Surtout dans le contexte d'une corticothérapie (devenu rare grâce aux modifications des schémas d'immunodépression : recours moindre aux corticoïdes ; et à l'utilisation du Bactrim® en prophylaxie de la pneumocystose)
- Clinique : non spécifique ; 1/3 des transplantés infectés ont une atteinte disséminée (localisations cérébrales, cutanées, des tissus mous)
- Imagerie : nodules, quelquefois excavés (aspect le plus fréquent)
- Traitement : Sulfamides, Amikacine, Imipénème ; en association initialement ; 3 mois pour les formes pulmonaires, 12 mois pour les formes disséminées
- Des cas ont été rapportés chez des patients atteints de Lupus traités par corticoïdes
3.1.2. Pneumonies à mycobactéries
- Tuberculose :
- Risque 50 à 100 fois supérieur par rapport à la population générale ; surtout avec traitement anti-TNF-α
- Mortalité élevée (formes souvent disséminées, toxicité du traitement)
- Semble être plus souvent en rapport avec une réactivation endogène ; transmission par un greffon possible
- Clinique et Imagerie : souvent atypique (⇒ toujours évoquer)
- Recommandations Française sur la prévention et la prise en charge des tuberculoses survenant sous anti-TNF-α
- Mycobactéries non tuberculeuses :
- Diagnostic aussi difficile chez l'immunodéprimé que l'immunocompétent (infection vs colonisation?)
- Infections rarement décrites chez les cancéreux (exception des leucémies à tricholeucocytes et LMC)
- Rares également chez les transplantés (plus fréquentes chez les allogreffés de CSH quand chez les transplantés d'organe)
3.2. Pneumonies virales
3.2.1. Virus respiratoires communautaires
- VRS, Métapneumovirus, Influenza et para-influenza
- Très contagieuses
- Peuvent être communautaires ou nosocomiale
- VRS et Influenza : infection saisonnière (automne-hiver) ; Para-influenza : toute l'année (pic au printemps-été)
- Donne d'abord des infections respiratoires hautes, qui se complique dans ce contexte dans 30 à 50% des cas d'une pneumonie à forte mortalité
- Clinique : signes d'infection respiratoire haute (rhinorrhée, sinusite, toux sèche quasi-constante)
- Imagerie : verre dépoli, condensations alvéolaires en plages, micronodules centro-lobulaires, images bilatérales
- Diagnostic : PCR des sécrétions respiratoires (aspiration naso-pharyngée, écouvillonnage nasal ou LBA)
- Traitement :
- Aucun antiviral n'a fait preuve formelle d'efficacité
- Influenza : inhibiteurs de la neuraminidase (zanamivir, oseltamivir) : lien entre le traitement précoce et la réduction des formes graves (données de la pandémie H1N1 de 2009)
- Vaccination anti-grippale fortement recommandée
- Ribavirine : proposé pour le traitement du VRS et du Para-influenza ; semble plus efficace à la phase précoce (qu'à la phase de pneumonie)
3.2.2. Rhinovirus et coronavirus
- Rhinovirus = première cause d'infection respiratoire haute de l'immunocompétent
- Quelques cas de pneumonies fatales à Rhinovirus rapportée (dans les hémopathies malignes), mais c'était presque toujours des co-infections
- Pas de traitement
- Coronavirus : quelques rares cas chez des cancéreux
3.2.3. Cytomégalovirus
- Pneumonies à CMV : ont été longtemps la complications majeur des déficits immunitaires cellulaires, notamment à la phase précoce post-transplantation d'organe solide (quand le déficit est maximal), et traitement anti-CD52 (alemtuzumab, dans certains syndromes lymphoprolifératifs)
- Peut être transmis par le greffon, ou réactivation d'un virus latent
- Ont quasiment disparue avec le développement des stratégies prophylactiques
- Attention à l'arrêt du traitement prophylactique +++
- Clinique : soit asymptomatique (virémie), ou forme invasive avec pneumonie (site anatomique principal) :
- Fièvre, toux sèche et dyspnée
- En plus des manifestations systémiques disséminées
- Imagerie : peu spécifique
- Diagnostic :
- Mise en évidence d'inclusions virales caractéristiques sur prélèvement cytologique ou histologique (LBA, biopsie transbronchique) ⇒ peu sensible
- PCR dans le LBA ⇒ trop sensible (ne signifie pas infection)
- Charge virale sanguine : pas d'intérêt dans le diagnostic d'infection invasive, mais permet d'identifier les patients à haut risque d'en développer une ⇒
- Traitement : Ganciclovir = traitement de référence en curatif et prophylaxie
3.2.4. Herpes
- Réactivation d'herpès type 1 (HSV-1) dans 70-80% des transplantés de CSH ou d'organes, en l'absence de traitement préventif
- Rares pneumopathies décrites, d'évolution fréquemment fatale
- Prophylaxie par Valaciclovir systématique (actif également sur le virus de la varicelle (VZV))
3.2.5. Adénovirus
- Morbidité et mortalité importantes chez les transplantés (CSH, organes (hépatique++))
- Pas de variation saisonnière
- Plus souvent : réactivation d'infection latente
- Une lymphopénie profonde est souvent associée à une atteinte disséminée et fatale
- Atteinte respiratoire = la plus fréquente
- Clinique : de simple toux jusqu'à pneumonie étendue (mortalité = 50%) ; si infection disséminée : signes gastro-intestinaux, hépatiques et conjonctivaux
- Traitement : Cidofovir en première intention (malgré l'absence d'étude randomisée évaluant son efficacité)
3.3. Pneumonies fongiques
3.3.1. Pneumocystose
- Fréquemment responsable de pneumonies opportunistes, surtout en cas de déficit de l'immunité cellulaire (corticothérapie notamment)
- Risque majeur 6 mois suivant une transplantation ⇒ prophylaxie recommandée (Bactrim®) ; maintenir indéfiniment si le patient nécessite une immunosuppression forte prolongée
- Autres facteurs de risque : corticoïdes + cytotoxiques, lymphopénie périphérique à CD4, pneumopathie infiltrante diffuse dans le cadre d'une connectivite
- Mortalité entre 30 et 60% (plus chez le cancéreux que le transplanté, la connectivite ou le VIH+)
- Clinique : même symptômes non spécifiques que le VIH+ (dyspnée, toux, fièvre) ; mais probablement plus aiguë (7 à 14 jours d'évolution avant diagnostic)
- Imagerie : très variable (verre dépoli bilatéral = très évocateur ; autre aspects possibles : nodule(s) parfois excavés, kystes, épanchement, ADP médiastinales)
- Diagnostic : les formes du non-VIH sont pauci-parasitaires ⇒ diagnostic plus difficile
- Peut d'étude évaluant l'expectoration induite (contrairement au sujet VIH+) ⇒ LBA reste l'examen de référence
- PCR dans le LBA ⇒ performant, mais infection vs colonisation?
- Traitement :
- Bactrim® = le plus efficace
- Corticothérapie non recommandée dans ce contexte (contrairement au VIH+ hypoxémique)
3.3.2. Aspergillose pulmonaire invasive
- Nécessite une immunodépression profond
- Plus fréquente des infections fongiques invasives dans la greffe de CSH, juste après Candida dans la transplantation d'organe solide
- Morbidité et mortalité importante
- Populations à risque : hémopathie maligne, allogreffe de CSH, transplantation dans l'année
- Facteurs de risque : neutropénie profonde et prolongée, déficit de la fonction phagocytaire, déficit de l'immunité cellulaire
- Le poumon est une localisation quasi-constante
- Clinique : non spécifique (fièvre, douleur thoracique, toux, hémoptysie)
- Imagerie : intérêt de la TDM HR +++
- Phase précoce : nodules (chez un patient neutropénique ou allogreffé CSH)
- Puis, signe le plus évocateur (VPP 80-90% chez un patient avec hémopathie maligne, neutropénie et symptômes évocateur(*)) = signe du Halo (macro-nodule entouré de verre dépoli ⇒ caractère angio-invasif et hémorragique de la lésion) ; a tendance à disparaître au fil des jours (96% des patients(*) l'ont au début, puis seulement 20% à J14)
- Ensuite, rétraction du poumon nécrotique ⇒ signe du croissant aérique (visible dans 60% des cas à J14)
- Le halo n'es spécifique que dans un contexte de neutropénie profonde et de clinique compatible (peut se retrouver dans d'autres situations : pathogènes envahissant les vaisseaux (pseudomonas, zygomyces), néoplasies, vascularites…)
- Autres aspects possibles : plages de condensations alvéolaires nécrotiques, épanchement, micronodules centro-lobulaires, verre dépoli, condensations alvéolaires non nécrotiques
- Examens para-cliniques :
- Isolement du champignon dans le LBA dans seulement 50% des cas
- Mais, une simple colonisation est fréquente (25 à 30% des transplantés pulmonaires, alors qu'une API n'est manifeste que dans 3 à 15% de ces patients)
- Examen macroscopique des bronches, orienté par la TDM, peut montrer des lésions évocatrices (dépôts blanchâtres, biopsiables)
- Critères diagnostiques : European Organization for Research and Treatment of Cancer/Mycoses Study Group (EORTC/MSG) 2008
- Le but est de faciliter les études cliniques
- Le diagnostic de certitude reste toujours l'isolement du champignon (critère suffisant à lui seul) :
- Soit sur biopsie avec signes d'invasion tissulaire
- Soit dans un site normalement stérile (liquide pleural, hémoculture)
- Les autres catégories (probable ou possible) reposent sur des critères cliniques, radiologiques et mycologiques, en plus du dosage de l'antigène galactomannane (le suivi de sa cinétique a en plus un intérêt pronostic)
- Forme particulière : trachéobronchite invasive et les formes nodulaires ⇒ meilleur pronostic
- Traitement :
- Traitement empirique urgent en cas de forte suspicion (évolution potentiellement rapidement défavorable)
- 3 classes thérapeutiques :
- Polyènes : amphotéricine B et ses formes lipidiques (action sur la paroi ⇒ fongicide)
- Azolés : voriconazole, itraconazole, posaconazole (inhibe la réplication ⇒ fongistatique)
- Echinocandines : caspofungine, anidulafungine, micafungine (fongicide)
- Indications :
- Première intention : Voriconazole (a prouvé sa supériorité par rapport à l'Amphotéricine liposomale : guérison 53% vs 32%, survie à 12 semaines 71% vs 58%)
- Amphotéricine en 2e intention
- Posaconazole et Caspofungine : traitement de sauvetage si pas d'amélioration à J7, ou si intolérance avec Voriconazole ou Amphotéricine
- Association de molécules aux mécanismes différents (ex. Voriconazole + Caspofungine) ⇒ bénéfique, mais pas dans les recommandations (société américaine de maladies infectieuses)
- Durée du traitement pas bien définie. Un traitement long est admis (6-12 semaines), au moins jusqu'à disparition des facteurs favorisants
- Toxicité hépatique des azolées ⇒ dosage du taux plasmatique résiduel recommandé 4 à 7 jours après début du traitement (également pour s'assurer d'avoir une concentration efficace) ; inutile pour l'Amphotéricine et la Caspofungine
- Évaluation à J7 (clinique et TDM), tout en gardant à l'esprit que les lésions peuvent augmenter de taille sans que l'évolution soit défavorable
- Prophylaxie : Posaconazole (chez les patients sévèrement immunodéprimés : greffe de CSH, leucémies…)
- Résection chirurgicale des lésions résiduelles peut être discutée
Critères diagnostiques de l'aspergillose pulmonaire invasive (API), selon EORTC/MSG (2008) :
| API possible | API probable | API prouvée | |
|---|---|---|---|
| Caractéristiques prédisposantes de l'hôte (≥ 1) | - Neutropénie prolongée (< 500/mm3 pendant > 10 jours) - Immunodéficience congénitale sévère (granulomatose chronique par exemple) - Allogreffe de Cellules Souches Hématopoïétiques - Corticoïdes (≥ 0,3 mg/kg/j) au long cours (> 3 semaines) - Traitement immunosuppresseur au long cours ces 3 derniers mois (inhibiteurs de la calcineurine, anti-TNFα, anticorps monoclonaux…) |
||
| Critères cliniques et radiologiques | Fièvre, toux, douleur thoracique, hémoptysie, dyspnée ET infiltrat radiologique (TDM) OU Nouvel infiltrat typique (cavité, signe du halo, signe du croissant gazeux) |
||
| Critères microbiologiques (≥ 1) | - Examen direct ou cultures positives (crachat, LBA, aspiration du sinus) - Galactomannanes (LCR, LBA, plasma) - Bêta-D glucane sérique | - Preuve histologique (seule suffit) : présence d'Aspergillus avec signes d'invasion tissulaire - Culture d'un site normalement stérile (liquide pleural, sang) |
|
Traitement de l'aspergillose pulmonaire invasive :
| Traitement | Indications | Taux résiduels à J4-7 |
|---|---|---|
| Voriconazole (Vfend®) - 6 mg/kg/12h IV (J1) - 4 mg/kg/12 IV - 200-300 mg/12h PO | 1ère choix | 1-2 mg/l (< 6 mg/l) |
| L-AMB (AmBisome®) 3-6 mg/kg/j IV | 2e choix Sauvetage | Probablement pas utile |
| Caspofungine (Cancidas®) 70 mg/j IV (J1) 50 mg/j IV | Sauvetage | Probablement pas utile |
| Posaconazole (Noxafil®) 400 mg 2x/j PO | Sauvetage Prophylaxie | > 1-1,5 mg/l (prophylaxie > 0,5 mg/l) |
3.3.3. Aspergillose pulmonaire chronique
- Infection a développement plus sournois, avec perte pondérale, toux productive et hémoptysies
- Se développe chez des patients sans immunosuppression majeur, avec souvent des altérations pré-existantes du parenchyme (séquelles de TP (15%), de mycobactériose atypique (14%), asthme (15%), BPCO (12%), pneumothorax (12%), néoplasie, sarcoïdose, PR…)
- Classification : basé sur l'imagerie essentiellement
- Aspergillome : mycétome (boule fongique) dans une cavité préexistante ; souvent asymptomatique, ou hémoptysies (pronostic vital)
- Aspergillose pulmonaire chronique cavitaire : caractérisée par la présence de plusieurs cavités, pouvant être habitées par des mycétomes ; avec (à la différence de l'aspergillome) évolutivité des cavités, infiltrat para-cavitaire et état inflammatoire ; en évoluant, peut causé une fibrose ⇒ APC fibrosante
- Aspergillose pulmonaire chronique nécrosante ou semi-invasive : implique une invasion tissulaire avec destruction du parenchyme ; se rapproche grandement de l'API, mais évolution beaucoup moins rapide ; souvent associée à une immunodépression de faible intensité (cachexie, diabète…)
- Critères diagnostiques :
- IgG anti-Aspergillus (précipitines) suffit comme critère microbiologique, mais ne sont positives que chez 60% des patients remplissant tous les autres critères ⇒ aide au diagnostic sans être décisif
- Antigène galactomannane inutile dans l'APC
- Traitement :
- Aspergillome :
- Ne nécessite pas de traitement en principe, sauf si hémoptysie massive ou récidivante ⇒ chirurgie
- Complications les plus redoutées : épanchement pleural aspergillaire, fistule broncho-pleurale
- Embolisation possible, mais seulement si chirurgie prévue (car fréquence des récidives due à la néovascularisation)
- APC cavitaire et APC nécrosante : littérature pauvre
- Même si évolution lente, mortalité globale de 50% à 5 ans ⇒ traitement et suivi +++
- Voriconazole : amélioration clinique et radiologique dans 60% des cas ⇒ traitement de choix
Critères diagnostiques de l'aspergillose pulmonaire chronique :
- (clinique) ≥ 1 symptôme (toux productive, hémoptysie, perte pondérale) pendant > 3 mois
- (imagerie) Lésion radiologique cavitaire évolutive avec infiltrat para-cavitaire
- (biologie) État inflammatoire (CRP, VS)
- (immunologie et microbiologie) Précipitines aspergillaires (IgG) sériques ou Aspergillus dans la cavité
- (exclusion) Exclusion d'autres pathogènes (mycobactéries ou champignons endémiques (ex. Coccidioides immitis, Histoplasma capsulatum)) (⇒ Fibroscopie +++)
- (exclusion) Absence d'immunosuppression majeur (SIDA, leucémie, granulomatose chronique…)
PS: les termes entre parenthèses ne sont que des aides mnémotechniques
3.3.4. Candida
- Plus responsable d'infections systémiques, l'atteinte pulmonaire isolée est très rare
- Pneumonies plus souvent du fait d'une dissémination hématogène, sauf l'infection de l'anastomose bronchique lors d'une transplantation pulmonaire
3.3.5. Maladies fongiques émergentes
- Mucorales :
- Rhizopus et Mucor sont les plus fréquemment isolés
- Mortalité élevée
- Les mucormycoses pulmonaires sont difficilement différenciables cliniquement et radiologiquement des aspergilloses invasives
- Facteurs prédictifs de mucormycose : sinusite concomitante, prophylaxie par voriconazole, présence d'au moins 10 nodules et d'un épancement
- Traitement : Amphotéricine B à forte dose, Posaconazole (plus récent)
- Autres :
- Fusarium : champignon filamenteux particulièrement résistant aux antifongiques ; pronostic très péjoratif ; Voriconazole = option thérapeutique
- Scedosporium : faible sensibilité à l'ensemble des traitements antifongiques
- Dans ces cas, le traitement doit s'associer à la diminution de l'immunosuppression et à la résection chirurgicale des tissus infectés
3.4. Pneumonies parasitaires
- Toxoplasmose : Toxoplasma gondii
- Donne rarement des pneumopathies, chez les patients ayant un déficit profond de l'immunité cellulaire (transplantés d'organes ou de CSH +++)
- Mortalité élevée, de 60 à 100%
- Les transplantés cardiaques sont les plus touchés, infection souvent transmise par le greffon (quand le receveur est toxo négatif) ; dans les autres organes, la réactivation d'une infection latente est le plus souvent en cause
- Infection devenue rare grâce à la prophylaxie (surtout les 6 mois suivant la transplantation)
- Clinique : peu spécifique ; dans les formes disséminées : fièvre constante, symptômes pulmonaires, et signes neurologiques
- Imagerie : opacités nodulaires, plages en verre dépoli (hémorragie alvéolaire)
- Diagnostic : mise en évidence de tachyzoïtes de T. gondii dans le LBA ou sur biopsie (coloration Giemsa) ; immunofluorescence directe ou PCR dans le sang
- Autres parasites : très rare ; contexte géographique endémique +++
4. Conclusion
- Prise en charge en perpétuelle mutation : nouveaux profils d'immunosuppression, nouveaux pathogènes, nouveaux outils diagnostiques, nouvelles thérapeutiques
- Les situations cliniques sont très variables ⇒ réflexion multidisciplinaire +++
— Résumé basé sur :
Hussenet C, Tazi A, Bergeron A. Pathologie infectieuse pulmonaire de l’immunodéprimé (hors virus de l’immunodéficience humaine). EMC - Pneumologie 2016;13(2):1-13 [Article 6-004-A-30].
Gianella P, Gasche-Soccal P, van Delden C, Hachulla A L, Rochat T. Aspergillose pulmonaire invasive et aspergillose pulmonaire chronique. Rev Med Suisse 2014; 10: 2202-7.

