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cours:residanat:pneumologie:asthme_difficile

Asthme difficile à contrôler

1. Définition

  • Asthme contrôlé : symptômes réduits au minimum (diurne/nocturne, dès prise de SABD), exacerbations et limitation des activités
  • Asthme difficile à contrôler : asthme mal contrôlé malgré un traitement à priori adapté aux symptômes initiaux… ⇒ notion de temps : impossible de savoir au début si un asthme sera mal contrôlé ou non ⇒ …quelques semaines/mois après instauration du traitement
  • Quelque soit le niveau de sévérité (palier thérapeutique)

2. Diagnostic

  • Asthme qui reste non contrôlé après 4 à 12 semaines
  • Evalué de façon objective : Asthme Control Questionnaire (ACQ) ou Asthme Control Test (ACT)
  • Schématiquement, un patient qui ne répond pas à :
    • SABA si symptômes < 1x /semaine
    • CSI faible dose si symptômes > 1x /semaine
    • CSI moyenne/forte dose (+/- LABA, ALT) si symptômes quotidiens
    • CSO +/- anti-IgE si gêne permanente et exacerbations fréquentes

3. Démarche standardisée

Devant tout asthme difficile, il faut (dans l'ordre) :

3.1. Confirmer le diagnostic d'asthme

  • Diagnostics différentiels
  • Nouvelles pathologies chez un asthmatique connu
  1. BPCO associée :
    • 30% d'asthmatiques fumeurs ⇒ association fréquente (avec le temps)
    • Très difficile de faire la part des choses (réversibilité ≠ asthme)
    • Arguments pour BPCO :
      • Emphysème (distension = augmentation de CRF et VR) ; peut exister dans l'asthme et répond au test de réversibilité
      • Diminution de la DLCO : précoce dans la BPCO, absente dans l'asthme
      • Perturbation de l'hématose (au repos) : hypoxie + normo- ou hypercapnie
  2. Manifestations liées à l'anxiété : dysfonction des cordes vocales et syndrome d'hyperventilation :
    • Anxiété : souvent présente chez l'asthmatique (surtout en crise) ; et peut également être un authentique facteur déclenchant
    • Dysfonction des cordes vocales :
      • Tableau parfois spectaculaire, et très trompeur (mime une authentique crise d'asthme : dyspnée aiguë, wheezing, réponse aux SABA par levée du spasme fonctionnel)
      • Éléments de diagnostic :
        • Syndrome d'hyperventilation associé (hypocapnie sans hypoxie) lors de l'évènement aigu
        • Aspect aplati ou festonné de la courbe débit-volume lors de l'inspiration
        • Répétition des crises sans inflammation (FeNO basse)
      • Diagnostic affirmé par laryngoscopie directe
      • Doit être distinguer de l'attente inflammatoire liée au RGO ou des dysphonies induites par les CSI
    • Syndrome d'hyperventilation :
      • Angoisse majeur, sensation réelle d'asphyxie
      • En crise ⇒ diagnostic facile : pas de wheezing, auscultation libre, GDS +++ (hypocapnie parfois profonde, sans hypoxie)
      • En dehors des crises ⇒ diagnostic difficile ⇒ rechercher les symptômes accompagnateurs (fréquents) : notamment paresthésie des mains ou périorales ; on peut s'aider du test de Nijmegen : > 22 points = positif
        • Sensation de tension nerveuse : 0=jamais, 1=rarement, 2=parfois, 3=souvent
        • Incapacité à respirer profondément : idem
        • Respiration accélérée ou ralentie
        • Respiration courte
        • Palpitations
        • Froideurs des extrémités
        • Vertiges
        • Anxiété
        • Poitrine serrée
        • Douleur thoracique
        • Flou visuel
        • Fourmillement des doigts
        • Ankylose des bras et des doigts
        • Sensation de confusion
        • Ballonnement abdominal
        • Fourmillement péribuccaux
      • Spirométrie : obstruction légère, disproportionnée par rapport aux symptômes
      • Toujours est-il que le diagnostic est difficile car l'asthme induit aussi une hyperventilation (on peut être obliger d'aller jusqu'à une épreuve d'effort avec mesure de la VO2 max)
    • Prise en charge : souvent difficile
      • Faire admettre au patient que ses symptômes sont distincts de l'asthme, et sans gravité
      • Psychothérapie
      • Kinésithérapie pour l'hyperventilation
  3. Insuffisance cardiaque :
    • Surtout chez le sujet de plus de 60 ans
    • Poussées de sub-OAP, spontanément résolutif au début de la maladie ⇒ mime un asthme (caractère paroxystique)
    • Sibilants plus que crépitants, et sensation de sifflement rapporté par le malade
    • TLT, dosage du BNP et échographie cardiaque (dysfonction diastolique +++)
  4. Tumeur bronchopulmonaire :
    • Fumeur ou non
    • Tumeurs bénignes chez l'enfant et l'adulte jeune (très peu probablement évoquées), malignes chez le plus âgé, mimant une aggravation d'un asthme pré-existant le plus souvent
    • TLT et/ou TDM au moindre doute, voir fibroscopie (tumeur endo-bronchique)
  5. DDB et mucoviscidose :
    • Surtout quand toux productive au premier plan
    • Exacerbations souvent infectieuses
    • TVO irréversible
    • Diagnostic = TDM : calibre bronchique augmenté et épaississement de la paroi bronchique (image en bague à chaton)
    • Mucoviscidose méconnue systématiquement suspectée ⇒ test à le sueur +/- recherche de mutation du gène codant la protéine cystic fibrosis transmembrane conductance regulator (CFTR)
    • Penser à l'ABPA = cas particulier de DDB
  6. Polychondrite atrophiante :
    • Maladie rare
    • Dégénérescence des cartilages, notamment bronchiques ⇒ bronchospasme surtout à l'effort et à l'augmentation de la pression thoracique lors d'une expiration forcée ⇒ TVO non réversible
    • Associées à autres atteintes (articulaires +++)
    • Diagnostic :
      • Fibroscopie : collapsus expiratoire
      • TDM : collapsus des voies aériennes sur coupes en expiration forcée
  7. Embolie pulmonaire :
    • Systématiquement évoquée devant dyspnée aiguë
    • Sibilants rares mais possibles
    • Se méfier d'une maladie thromboembolique chronique avec microemboles à répétition, occasionnant des crises parfois sans douleurs ⇒ mime un asthme
  8. Sténose trachéale : endoscopie = diagnostic

3.2. Identifier les formes cliniques particulières

  • Maladies rares, comportant une composante asthmatique mais ne s'y résumant pas, nécessitant une prise en charge spécifique

3.2.1. Aspergillose bronchopulmonaire allergique (ABPA)

Voir cours Poumon éosinophile - Pneumopathie mycotique (ABPA)

  • Forme rare et sévère d'asthme, difficile à contrôler
  • Aspergillus fumigatus +++, parfois autres Aspergillus, ou autres moisissures
  • Réponse immunitaire mixte :
    • À IgE (allergique) : asthme, atopie, éosinophilie sanguine, tests cutanés positifs, IgE spécifiques élevés
    • À IgG : atteinte parenchymateuses récidivantes et migratrices, DDB +++
  • Diagnostic = faisceau d'arguments
  • Maladies évoluant par poussées (exacerbations d'ABPA)
  • Certains marqueurs peuvent n'être positif que durant une poussée
  • Risque et complication : DDB, fibrose (rarement)

3.2.2. Maladie de Churg & Strauss

Voir cours Vascularites

3.2.3. Pneumopathie chronique à éosinophiles

Voir cours Poumon éosinophile - Pneumopathie chronique éosinophile (PCE) - maladie de Carrington

  • Maladie rare
  • Atteinte parenchymateuse prédominante
  • Asthme au second plan d'une dyspnée d'effort le plus souvent ; quand il existe, il est souvent sévère et corticodépendant
  • Polypose nasosinusienne possible
  • Images interstitielles bilatérales, sous pleurales, épargnant les hiles, à type de verre dépoli
  • Éosinophilie sanguine importante, et alvéolaire
  • Réponse spectaculaire au corticoïdes, peut être un test diagnostic

3.3. Identifier le phénotype de l'asthme

Les diagnostics différentiels étant éliminés, on bel et bien devant un asthme. Il faut en identifier le phénotype pour orienter au mieux sa prise en charge. Tous en sachant que la difficulté réside au fait que ces phénotypes sont plus ou moins intriqués le plus souvent.

  • Asthme atopique :
    • Début dans l'enfance, avec histoire d'eczéma et d'autres allergies (alimentaires +++)
    • Histoire familiale d'asthme et d'allergies
    • Rhinite allergique associée
    • IgE totaux élevés (souvent > 1000 kUI/l)
    • Hyperéosinophilie peu fréquente
    • Évolution souvent favorable et facile à traiter (CSI)
  • Asthme non atopique (intrinsèque) :
    • Début plus tardif (après 40 ans)
    • Peut s'associer à une polypose naso-sinusienne (intolérance aux AINS, et aussi aux sulfites)
    • Tests cutanés négatifs
    • Formes familiales plus rares
    • IgE totaux moins élevés que dans l'asthme atopique (rarement > 500 kUI/l)
    • Hyperéosinophilie plus fréquente
    • Souvent plus sévère et plus difficile à contrôler
  • Autres phénotypes :
    • Asthme avec éosinophilie :
      • Mieux détecter à l'histologie (plus simple et moins invasif : expectoration induite voir LBA)
      • Plus grande réversibilité, mais aussi fort risque d'exacerbation (graves parfois)
    • Asthme neutrophilique :
      • Toux chronique productive souvent
      • Moins sensible aux corticoïdes
      • Possible lien avec le RGO
      • Origine microbienne possible ⇒ efficacité des macrolide aux long cours
    • Asthme de l'obèse :
      • Anomalies du stress oxydatif, inflammation systémique
      • Peu inflammatoire, très symptomatique
      • Difficile à traiter

À ce stade, on peut “classer” le patient en sous-groupes en vu d'une prise en charge spécifique ; selon : âge, sexe, IMC, âge de début de l'asthme, fonction respiratoire, tests cutanés, expectoration induite éventuellement.

3.4. Prendre en compte les comorbidités

3.4.1. Rhinite allergique

  • À rechercher systématiquement
  • Peut être handicapante par elle-même, en plus de son effet aggravant sur l'asthme = facteur de mauvais contrôle de l'asthme (quelque soit le degré de sévérité de l'asthme)
  • Diagnostic clinique : alternance de rhinorrhée, obstruction, éternuements et prurit palatin et nasal chez un patient atopique
  • Traitement : éviction, anti-histaminiques et corticoïdes nasaux

3.4.2. Polypose naso-sinusienne

  • Fréquemment associée à l'asthme non atopique (comme la rhinite à l'asthme atopique)
  • Y penser devant une obstruction nasale chronique et une anosmie/hyposmie
  • Diagnostic : rhinoscopie antérieure
  • TDM si geste chirurgical envisagé (évalue l'importance de l'atteinte sinusienne)
  • Effet de la chirurgie sur l'asthme controversé

3.4.3. Reflux gastro-oesophagien

  • 60% de RGO chez les asthmatiques, 38% chez les témoins ; seulement 5% des RGO sont asthmatiques
  • Y penser surtout si les symptômes sont nocturnes, l'asthme non atopique et les signes digestifs
  • L'amélioration de l'asthme par le traitement du RGO est controversé ; recommandations : RGO fortement suspecté ⇒ traitement d'épreuve, si non (ou si échec thérapeutique) ⇒ explorations digestives

3.5. Contrôler les facteurs déclenchant

  • Éviction des allergènes dans l'asthme atopique
  • Évaluer la possibilité d'un asthme professionnel (différencier asthme professionnel et asthme aggravé par le travail)
  • Tabagisme (actif et passif)
  • Pollution atmosphérique
  • Facteurs psychogènes
  • L'identification nécessite une enquête minutieuse ; elle est importante même si l'éviction est impossible pour que le patient les identifie et qu'il mette en place des stratégie de prévention

3.6. Évaluer l'observance

  • Question centrale de toutes les pathologies chroniques
  • Dans l'asthme, il semble que la grande réversibilité de la maladie et la disparition des symptômes soit une limitation majeur à l'observance
  • Comment améliorer l'observance :
    • Le traitement doit être perçu comme efficace ; si non, changer de dispositif ou de molécule
    • Associer le patient au choix du traitement
    • Plan d'action individualisé et auto-gestion
    • Relation médecin patient franche et claire, sans culpabilisation pour que le patient déclare son inobservance
    • Partager avec le malade un projet thérapeutique précis, pour qu'il n'ait pas le sentiment d'une prescription de durée imprécise

Résumé basé sur : Magnan A, Colchen A, Cavaillès A, Pipet A. Asthme difficile à contrôler. EMC Pneumologie 2012;9(2):1-10 [Article 6-039-A-47].

cours/residanat/pneumologie/asthme_difficile.txt · Dernière modification : 2019/04/15 20:25 de admin@medwiki-dz.com

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