Lymphome de Hodgkin de l'adulte
1. Introduction
Hémopathie lymphoïde caractérisée par la présence de cellules de Reed-Sternberg ou de Hodgkin à l'histologie
Survie supérieure à 80%
Atteinte thoracique initiale fréquente, surtout médiastinale (plus que pulmonaire ou pleurale)
2. Intérêt
Fréquence de l'atteinte thoracique
Affection potentiellement curable (reflet des avancées thérapeutiques en cancérologie)
Le pneumologue peut souvent être amener à en faire le diagnostic, mais aussi à prendre en charge les complications respiratoires (infectieuses et toxiques), et les néoplasies secondaires
3. Épidémiologie
Incidence en France : 2,4/100.000/an en 2000
Homme/Femme = 1,5 à 2
Deux pics : 20-30 ans, et 70-80 ans
Pays en voie de développement : incidence plus faible, touche plus les jeunes
Lien avec EBV (Epstein-Barr Virus) semble exister
4. Anatomie pathologique
Cellule de Reed-Steinberg :
Volumineuse, cytoplasme abondant, clair et basophile
Un noyau multilobé, nucléoles multiples et volumineux
Elle sont très minoritaires par rapport aux cellules réactionnelles (granulome, sclérose, richesse ou déplétion en lymphocytes)
Immunohistochimie :
Marqueurs des cellules lymphoïdes activées : CD30, CD25, HLADR, CD71 ; mais aussi CD15 (fréquent) et CD20 (30% des cas)
Cellules réactionnelles encourant les CRS : LT CD3+
Classification histologie :
Classification de Lukes-Rye (1966) :
Type 1 (nodulaire ou diffus) : forme à prédominance lymphocytaire
Type 2 : forme scléronodulaire
Type 3 : forme à cellularité mixte
Type 4 : forme à déplétion lymphocytaire
Classification OMS :
Forme nodulaire (70%) : la plus fréquente
Avec épaississement capsulaire fibreux, parenchyme nodulaire, fibrose annulaire ou en bandes épaisses
Cellules tumorales : cytoplasme abondant ⇒ aspect lacunaire
Forme à cellularité mixte (20-25%) :
Population cellulaire abondante : cellules lymphoïdes, plasmocytes, histiocytes, polynucléaires, amas de cellules épithélioïdes
L'ensemble constitue un granulome
Forme riche en lymphocytes (5%) :
Forme à déplétion lymphocytaire (< 5%) : la plus rare
Déplétion des lymphocytes non tumoraux
Variante riche en CRS, et forme avec fibrose collagène diffuse
5. Mode d'extension
Lymphatique :
Début ganglionnaire uni-focal puis extension de proche en proche aux territoires ganglionnaires adjacents
Site initial (par ordre de fréquence) : intra-thoracique, cervical haut ou moyen, inguino-crural ou lombaire, axillaire
Extension :
Intra-thoracique ou cervical ⇒ creux sus-claviculaires et aisselles
Sous-diaphragmatique ⇒ sus-claviculaire gauche surtout (en passant par le canal thoracique et en respectant le médiastin le plus souvent)
Axillaire ⇒ sus-claviculaire homolatéral
Hématogène :
Second mode d'extension
Explique l'atteinte splénique, osseuse, médullaire, pulmonaire et hépatique
L'hépatique peut aussi résulter d'une extension lymphoïde à partir des ganglions lombo-aortiques et de la rate
Contiguïté :
À partir d'un ganglion envahi
Explique l'atteinte péricardique, de la paroi thoracique ou d'une vertèbre isolée
Autres atteintes exceptionnelles : cutanée, thyroïdienne, digestive, cardiaque, cérébro-méningée, gonadique
6. Diagnostic positif
6.1. Circonstances de découverte
Adénopathie périphérique (80%), cervicale ou sus-claviculaire le plus souvent
Adénopathie médiastinale (10%), découverte fortuite ou devant des signes de compression (toux, dyspnée, douleur)
Signes généraux (10-20%), fièvre (> 38°C pendant 7 jours), sueurs nocturnes, amaigrissement (10% en 6 mois) ; plus rares : prurit, douleur à l'ingestion d'alcool
Complications neurologiques (rarement révélatrices)
Biopsie d'une adénopathie chez un sujet VIH+
6.2. Examen clinique
Territoires ganglionnaires atteints
Taille du foie et de la rate
Examen ORL recommandé en cas d'adénopathies cervicales hautes (infiltration de l'anneau de Waldeyer)
6.3. Bilan para-clinique
Biologie :
Signes inflammatoires : VS, hyperleucocytose à PNN, hyper-fibrinémie, hyper alpha-2-globulinémie, thrombocytose
Signes d'évolutivité : anémie, lymphopénie, augmentation des LDH
Autres anomalies non spécifiques :
Hyperéosinophilie
Cytopénies (peut traduire exceptionnellement une hémolyse ou une thrombopénie auto-immune)
Augmentation des phosphatases alcalines (atteinte hépatique, médullaire ou osseuse)
Cholestase (obstruction des voies biliaires par des ADP ou des localisations intra-hépatiques massives)
Imagerie :
Autres :
6.4. Atteintes endo-thoraciques
Atteinte fréquente (60%), concerne :
Localisation dite “Bulky” quand élargissement médiastinal > 1/3 du diamètre thoracique le plus large ⇒ critère pronostic péjoratif indépendant
6.4.2. Atteinte du parenchyme pulmonaire
Concerne 20% des malades
Par contiguïté, extension lymphatique ou hématogène
Rarement (100 cas) : atteinte primitive pulmonaire sans aucune autre localisation
6.4.3. Atteinte pleurale
6.4.4. Atteinte bronchique
Atélectasie chez 8% des patient, soit par compression ADP ou atteinte endobronchique
Cette atteinte peut mettre en jeu le pronostic vital
7. Classification
La plus utilisée = classification de Ann-Arbor (stades anatomiques), modifiée (classification de Costwolds)
Classification d'Ann-Arbor :
Stades :
I : un seul territoire ganglionnaire atteint
II : plusieurs territoires du même coté du diaphragme
III : plusieurs territoires de part et d'autre du diaphragme (la rate est assimilée à un territoire ganglionnaire)
IV : diffusion viscérale hématogène (quelque soit l'atteinte ganglionnaire)
Suffixes :
S : atteinte splénique
E : extension par contiguïté
A : absence de signes cliniques (fièvre, sueurs, amaigrissement) - B : présence d'un signe au moins
a : absence de signes biologiques d'évolutivité (anémie, lymphopénie, hyper-LDH) - b : présence de 2 signes au moins
Modification de Costwolds (1988) :
Stades :
I : un seul groupe ganglionnaire ou structure lymphoïde atteinte (médiastin = 1, cervical gauche = 1, rate = 1, anneau de Waldeyer = 1)
II : atteinte ≥ 2 groupes ganglionnaires d'un seul coté du diaphragme ; nombre de territoire atteints indiqué en indice (IIx) ; (médiastin = 1, chaque hile = 1 indépendamment du médiastin)
III : atteinte de part et d'autre du diaphragme
III1 : atteinte limitée à : rate, ganglions hilaires spléniques, ganglions cœliaques ou du tronc porte
III2 : atteinte ganglions latéro-aortique, iliaques, mésentériques (+/- III1)
IV : atteinte extra-ganglionnaire distincte d'une localisation viscérale contiguë, ou atteinte hépatique ou moelle osseuse
Suffixes :
A : absence de signes généraux - B : présence d'au moins 1 des 3 signes généraux (fièvre, sueurs, amaigrissement)
X : masse tumorale importante (M/T ≥ 1/3, masse ganglionnaire ≥ 10 cm de grand axe)
E : extension viscérale unique par contiguïté
8. Facteurs pronostiques
En plus des 4 stades :
Formes localisées (stades I-II ⇒ 60% des LH) :
Volume de l'atteinte médiastinale +++
Âge
Nombre de territoires atteints
Présence ou non de signes généraux
Élévation de la VS
⇒ Ces critères distinguent 2 groupes : favorable (40% des stades I-II) de défavorable (60%)
Formes disséminées (stades III-IV) :
9. Diagnostic différentiel
Formes ganglionnaires médiastinales :
ADP bénignes : tuberculose, sarcoïdose, ADP aiguës virales
ADP malignes : LMNH, hémopathies (Kahler, leucoses), métastases
Tumeurs du médiastin moyen :
Kyste bronchogénique
Tumeurs vasculaires
Formes parenchymateuses :
Tuberculose
SarcoÏdose
Poumon des hémopathies
Forme bronchique :
Forme pleurale :
10. Traitement
10.1. Chimiothérapie
Protocole ABVD (Adriamycine, Bléomycine, Vinblastine, Dacarbazine) : protocole de référence : efficacité et moindre risque de stérilité et de tumeurs secondaires que MOPP et régimes alternés ou hybrides de 3e génération
Protocole MOPP (Méchloréthamine, Oncovin, Procarbazine, Prednisone) : première chimiothérapie
Protocole BEACOPP (Bléomycine, Etoposide, Adriamycine, Cyclophosphamide, Oncovin, Procarbazine, Prednisone) : polychimiothérapie intensifiée de 4e génération, utilisée dans les formes “avancées” ; toxicité hématologique et risque de myélodysplasie (⇒ bénéfice par rapport à ABVD en cours d'évaluation)
10.2. Radiothérapie
N'est plus utilisée de façon exclusive pour les stades localisés sus-diaphragmatique (depuis les années 1990)
Indications réduite au traitement des formes disséminées
Seul les territoires initialement atteints sont irradiés (aires cervicales, axillaires, médiastinales, latéro-aortiques, iliaques et inguino-crurales)
30-36 Gy si régression complète (sous chimiothérapie), 36-40 Gy si régression partielle
Étalement classique : 9-10 Gy par semaine sur 5 séances
10.3. Indications et résultats
Stades localisés sus-diaphragmatiques (I et II) :
Chimio-radiothérapie = référence
ABVD 3 à 4 cycles
Puis irradiation des territoires initialement atteints
Pronostic : selon les facteurs pronostiques
Favorable : survie sans rechute à 5 ans = 90-95%, survie = 95-98%
Défavorable : survie sans rechute à 5 ans = 80-85%
Stade IIIA :
Le traitement de ce groupe restreint reste controversé
Chimioradiothérapie
III1A : amélioration du taux de survie sans rechute, mais pas d'amélioration de la survie (par rapport à une irradiation exclusive)
III2B avec facteurs défavorables : bénéfice de l'irradiation après rémission complète non démontré (sauf atteinte médiastinale volumineuse)
Stades IIIB et IV :
Survie à 10 ans de seulement 40-60% (malgré amélioration de 10-15% ces 30 dernières années) ⇒
Traitement standard pour les formes à pronostic favorable, meilleur identification des formes graves et développement de stratégies adaptées aux facteurs pronostiques, en tenant compte de la toxicité à long terme
Stades I et II sous-diaphragmatiques :
Selon les facteurs pronostiques, chimioradiothérapie ou chimiothérapie exclusive
Stades IA inguino-fémoraux sans facteurs défavorables : irradiation exclusive possible
Sujet âgé :
Toxicité immédiate et risque de complication ⇒ précautions
Stades localisés sus-diaphragmatiques : chimiothérapie brève puis radiothérapie
Stades disséminés : chimiothérapie exclusive
Grossesse :
Infection VIH :
10.5. Évaluation de la réponse
Basée sur : clinique, TLT et TDM
Si masse médiastinale persistante : la TDM ne suffit pas à différencier une masse résiduelle active d'un tissus cicatriciel ⇒
“Rémission complète incertaine” = persistance d'une masse résiduelle, sans aucun signe d'évolutivité clinique, biologique et imagerie
Rechute : réapparition de la maladie après réponse complète ; soit dans les mêmes sites (récurrences), ou dans de nouveaux territoires (extension) ; se voit dans 30% des cas
Maladie progressive : évolution de novo après phase de stabilisation ; se voit dans 10-15% des cas
Forme réfractaire : aucune réponse
11. Complications
Bien que de bon pronostic (taux de guérison de 75% tous stades confondus), l'excès de mortalité s'observe après 15 ans (second cancers et complications cardiaques essentiellement)
11.1. Complications non malignes
11.1.1. Cardiovasculaires
11.1.2. Pulmonaires
Leur incidence et leur gravité ont régressé
Modifications fonctionnelles transitoires précoces après irradiation
Fibrose médiastinale et pulmonaire : habituellement asymptomatique, n'est visible à l'imagerie que chez 20% des patients
Altérations fonctionnelles à long terme modérées et rares
11.1.3. Infectieuses sévères
Les plus fréquentes sont les pneumonies, bactériémies, infections cutanées et les méningites
Germes les plus fréquents : pneumocoque, staphylocoque doré, staphylococcus epidermidis, BGN plus rarement
Intérêt de la vaccination anti-pneumococcique
11.1.4. Thyroïdiennes
Signes cliniques ou biologiques de dysfonctionnement thyroïdien observés après irradiation cervicale
Le plus fréquemment : une hypothyroïdie biologique (dépend de la dose d'irradiation, de l'âge, de la surcharge en iode (produits de contraste))
Hyperthyroïdie, thyroïdite auto-immune, nodules thyroïdiens (justifient une surveillance prolongée)
11.1.5. Fertilité
Homme :
Femme :
Aménorrhée dans 80% des cas, et taux élevé de ménopause précoce après MOPP (chez la femme de plus de 25 ans)
Risque moindre après ABVD
Radiothérapie : conséquences désormais limitées par la réduction des indications d'irradiation sous-diaphragmatique
Les complications digestives tardives graves, favorisées par la chirurgie et des doses par fraction > 2 Gy ne devraient plus être observées
11.2. Complications malignes
Leucémies aiguës et myélodysplasies :
Risque maximal entre 4 et 8 ans après traitement
Surtout avec MOPP, négligeable avec ABVD seul ou irradiation seule
Lymphomes non Hodgkiniens :
Observés avec fréquence accrue
FDR : âge, sexe masculin, dépression immunitaire iatrogène, anomalies immunitaires liées au LH
Tumeurs solides secondaires :
Représente à long terme la menace la plus grave
Plus fréquents : poumon, sein, estomac, thyroïde, os, mélanome ; mais aussi : glandes salivaires, intestin et côlon chez l'homme, plèvre
12. Surveillance après traitement
Objectifs :
Contrôler le maintien de la rémission
Déceler les complications liées au traitement
Évaluer la qualité de vie après traitement
Modalités :
Tous les 3 mois pendant 2 ans
Tous les 4 mois pendant 1 an
Tous les 6 mois jusqu'à 5 ans
Puis, une fois par an
Les 5 premières années : Radiographie, FNS, VS (risque de rechute) ; TDM en cas de suspicion d'évolutivité
Au delà : prévention et détection des complications tardives (cardiaques, thyroïdiennes, gonadiques et secondes tumeurs)
13. Conclusion
Cause exacte inconnue, près de 150 ans après la première description
La stratégie thérapeutique est fondée sur les facteurs pronostiques
Les formes résistantes restent difficiles à identifier avant traitement