Table des matières

Infections respiratoires de l'immunodéprimé (hors VIH)

1. Introduction

2. Stratégie diagnostique

2.1. Évaluation du risque infectieux

2.1.1. Profils d'immunosuppression

Type d'immunosuppression Infections favorisée
Granulopénie et/ou granulopathie Bactéries
Champignons
Déficit humorale Bactéries encapsulées
Déficit cellulaire - Bactéries : Nocardia, Legionella
- Mycobactéries
- Virus
- Champigons (Pneumocystis, Cryptococcus, Histoplasma, Coccidioides immitis)
- Parasites (Toxoplasma)
Dysfonction splénique Bactéries encapsulées (Pneumocoque)

2.1.2. Risque infectieux selon les pathologies

  1. Tumeurs solides :
    • Pneumonies fréquentes
    • Complications du traitement (neutropénie chimio-induite, effets locaux de la radiothérapie, corticothérapie séquentielle)
    • Localisations secondaires
  2. Hémopathies malignes :
    • Pneumonies fréquentes, et pourraient constituer un facteur pronostic défavorable
    • Facteurs d'immunodépression multiples, induits par la maladie et son traitement :
      • Altération de la phagocytose
      • Altération de l'immunité cellulaire
      • Hypo-gamma-globulinémie
      • Neutropénie chimio-induite
      • Fludarabine ⇒ déficit cellulaire profond et prolongé
  3. Greffe de cellules souches hématopoïétiques :
    • Neutropénie profonde de plusieurs semaines constante
    • Réaction du greffon contre l'hôte ⇒ diminution de l'immunité ⇒ traitement immunosuppresseur intense + corticothérapie forte dose nécessaire
    • Hyposplénisme persistant après l'irradiation corporelle totale
  4. Transplantation d'organes :
    • Pneumonies fréquentes, mêmes pathogènes quelque soit l'organe transplanté
    • Risque infection corrélé à l'intensité du traitement immunosuppresseur et aux techniques chirurgicales utilisées
    • Suites précoces : risque lié surtout aux infections nosocomiales et à la réanimation (plus qu'à l'immunosuppression)
    • Après : risque infection lié à l'immunosuppression (germes opportunistes ++)
    • Au-delà de 6 mois : risque infectieux diminue nettement, plus lié à des germes communautaires (la plupart des patients ne reçoivent plus qu'une légère immunosuppression) ; sauf si rejet chronique et nécessité d'immunosuppression puissante prolongée
  5. Maladies de système et biothérapies :
    • Effets des traitements + déficit inhérent aux maladies de système
    • Corticothérapie, azathioprine, cyclophosphamide, anti TNF-α, anti CD20 (rituximab)
    • Pneumonies surtout bactériennes et mycobactériennes plus qu'opportunistes
    • Forte association entre risque de tuberculose et anti TNF-α
Terrain sous-jacent Type d'immunodépression
- Chimiothérapie (tumeurs solides, hémopathies)
- Hémopathies malignes
Granulopénie et granulopathie
- Leucémie lymphoïde chronique, myélomes, greffe de CSH
- Déficit congénitaux
- Traitement anti CD20
Déficit humoral
- Immunosuppresseurs, anti CD52, sérum anti-lymphocytaire, analogues de la purine
- Corticothérapie prolongée
- Greffe de CSH, Hodgkin, maladies lymphoprolifératives
Déficit cellulaire
- Splénectomie
- Asplénie fonctionnelle (irradiation, drépanocytose)
Dysfonction splénique
Terrain Granulopénie & granulopathie Déficit Humoral Déficit cellulaire Dysfonction splénique
- Chimiothérapie
- Hémopathies
- Greffe de CSH
- Déficit congénitaux
- Anti-CD20
- Immunosuppresseurs
- Corticothérapie prolongée
- Splenectomie ou asplénie fonctionnelle
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X (irradiation)
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Ne pas oublier de prendre en compte les différents traitements anti-infectieux pris par le patient +++

2.2. Présentation clinique

2.3. Outils diagnostiques

2.3.1. TDM thoracique

2.3.2. Examens microbiologiques non invasifs

2.3.2.1. Directs

  1. Expectoration :
    • Difficile de faire la part des choses entre colonisation et infection
    • Expectoration induite : grande sensibilité pour le diagnostic de pneumocystose chez le VIH ; intérêt incertain dans les autres immunodépressions (mal évalué) ⇒ LBA = référence
  2. Aspiration naso-pharyngée :
    • Très utile pour la détection des virus respiratoires
    • La PCR a supplanté l'immunofluorescence et la culture

2.3.2.2. Indirects

  1. Antigènes urinaires :
    • Très utile pour le diagnostic des Legionelloses sérotype 1, et pneumocoque
    • Sensibilité et spécificité équivalentes chez l'immunodéprimé et l'immunocompétent
  2. Antigène galactomannane :
    • Antigène polysaccharide de la paroi d'Aspergillus et de Penicillium, libéré lors de la croissance de ces champignons
    • Technique de détection de référence : Platelia™ (technique Elisa)
    • Intérêt du dosage sanguin démontré : sensibilité et spécificité élevées pour le diagnostic d'aspergillose pulmonaire invasive (seuil de positivité = 0,5 µg/l) (surtout en hématologie, mais plus limité en transplantation d'organes solides)
    • Intérêt du dosage dans le LBA également démontré, seuil de positivité discuté (0,5 ou 1 µg/l)
    • Chez un patient avec Aspergillose Pulmonaire Invasive, le taux augmente de < 0,5 à > 1 en 2-3 jours
  3. Antigène bêta-D glucane
    • Composant de la paroi de nombreux champignons
    • Intégré dans les critères d'infection fongique invasive
    • Mais l'intérêt semble limité (manque de spécificité pour le diagnostic d'aspergillose invasive)
    • Très intéressant pour le diagnostic de pneumocystose chez le patient non-VIH (mais pas encore intégré à la routine)

2.3.3. Endoscopie : LBA et aspiration bronchique

2.3.4. Biologie moléculaire

2.3.5. Biopsie pulmonaire

3. Caractéristiques et prise en charge des différents types de pneumonies

3.1. Pneumonies bactériennes et mycobactériennes

3.1.1. Pneumonies bactériennes

  1. Légionellose :
    • Cause importante de pneumopathie nosocomiale, surtout après transplantation
    • Clinique : non spécifique (signes gastro-intestinaux précédant parfois la pneumonie)
    • Diagnostic : culture de prélèvements respiratoires (pas toujours disponible) ; antigènurie très utile mais seulement pour le sérogroupe 1 (les légionelloses nosocomiales sont souvent d'autres sérogroupe) ; PCR Legionella
    • Traitement : macrolide ou fluoroquinolone (éviter l'érythromycine) ; double antibiothérapie justifiée en cas de forme sévère
  2. Nocardiose :
    • Bactérie filamenteuse aérobie Gram positif
    • Surtout dans le contexte d'une corticothérapie (devenu rare grâce aux modifications des schémas d'immunodépression : recours moindre aux corticoïdes ; et à l'utilisation du Bactrim® en prophylaxie de la pneumocystose)
    • Clinique : non spécifique ; 1/3 des transplantés infectés ont une atteinte disséminée (localisations cérébrales, cutanées, des tissus mous)
    • Imagerie : nodules, quelquefois excavés (aspect le plus fréquent)
    • Traitement : Sulfamides, Amikacine, Imipénème ; en association initialement ; 3 mois pour les formes pulmonaires, 12 mois pour les formes disséminées
    • Des cas ont été rapportés chez des patients atteints de Lupus traités par corticoïdes

3.1.2. Pneumonies à mycobactéries

  1. Tuberculose :
    • Risque 50 à 100 fois supérieur par rapport à la population générale ; surtout avec traitement anti-TNF-α
    • Mortalité élevée (formes souvent disséminées, toxicité du traitement)
    • Semble être plus souvent en rapport avec une réactivation endogène ; transmission par un greffon possible
    • Clinique et Imagerie : souvent atypique (⇒ toujours évoquer)
    • Recommandations Française sur la prévention et la prise en charge des tuberculoses survenant sous anti-TNF-α
  2. Mycobactéries non tuberculeuses :
    • Diagnostic aussi difficile chez l'immunodéprimé que l'immunocompétent (infection vs colonisation?)
    • Infections rarement décrites chez les cancéreux (exception des leucémies à tricholeucocytes et LMC)
    • Rares également chez les transplantés (plus fréquentes chez les allogreffés de CSH quand chez les transplantés d'organe)

3.2. Pneumonies virales

3.2.1. Virus respiratoires communautaires

3.2.2. Rhinovirus et coronavirus

3.2.3. Cytomégalovirus

3.2.4. Herpes

3.2.5. Adénovirus

3.3. Pneumonies fongiques

3.3.1. Pneumocystose

3.3.2. Aspergillose pulmonaire invasive

Critères diagnostiques de l'aspergillose pulmonaire invasive (API), selon EORTC/MSG (2008) :

API possible API probable API prouvée
Caractéristiques prédisposantes de l'hôte (≥ 1) - Neutropénie prolongée (< 500/mm3 pendant > 10 jours)
- Immunodéficience congénitale sévère (granulomatose chronique par exemple)
- Allogreffe de Cellules Souches Hématopoïétiques
- Corticoïdes (≥ 0,3 mg/kg/j) au long cours (> 3 semaines)
- Traitement immunosuppresseur au long cours ces 3 derniers mois (inhibiteurs de la calcineurine, anti-TNFα, anticorps monoclonaux…)
Critères cliniques et radiologiques Fièvre, toux, douleur thoracique, hémoptysie, dyspnée ET infiltrat radiologique (TDM)
OU Nouvel infiltrat typique (cavité, signe du halo, signe du croissant gazeux)
Critères microbiologiques (≥ 1) - Examen direct ou cultures positives (crachat, LBA, aspiration du sinus)
- Galactomannanes (LCR, LBA, plasma)
- Bêta-D glucane sérique
- Preuve histologique (seule suffit) : présence d'Aspergillus avec signes d'invasion tissulaire
- Culture d'un site normalement stérile (liquide pleural, sang)

Traitement de l'aspergillose pulmonaire invasive :

Traitement Indications Taux résiduels à J4-7
Voriconazole (Vfend®)
- 6 mg/kg/12h IV (J1)
- 4 mg/kg/12 IV
- 200-300 mg/12h PO
1ère choix 1-2 mg/l (< 6 mg/l)
L-AMB (AmBisome®)
3-6 mg/kg/j IV
2e choix
Sauvetage
Probablement pas utile
Caspofungine (Cancidas®)
70 mg/j IV (J1)
50 mg/j IV
Sauvetage Probablement pas utile
Posaconazole (Noxafil®)
400 mg 2x/j PO
Sauvetage
Prophylaxie
> 1-1,5 mg/l
(prophylaxie > 0,5 mg/l)

3.3.3. Aspergillose pulmonaire chronique

Critères diagnostiques de l'aspergillose pulmonaire chronique :

  • (clinique) ≥ 1 symptôme (toux productive, hémoptysie, perte pondérale) pendant > 3 mois
  • (imagerie) Lésion radiologique cavitaire évolutive avec infiltrat para-cavitaire
  • (biologie) État inflammatoire (CRP, VS)
  • (immunologie et microbiologie) Précipitines aspergillaires (IgG) sériques ou Aspergillus dans la cavité
  • (exclusion) Exclusion d'autres pathogènes (mycobactéries ou champignons endémiques (ex. Coccidioides immitis, Histoplasma capsulatum)) (⇒ Fibroscopie +++)
  • (exclusion) Absence d'immunosuppression majeur (SIDA, leucémie, granulomatose chronique…)

PS: les termes entre parenthèses ne sont que des aides mnémotechniques

3.3.4. Candida

3.3.5. Maladies fongiques émergentes

  1. Mucorales :
    • Rhizopus et Mucor sont les plus fréquemment isolés
    • Mortalité élevée
    • Les mucormycoses pulmonaires sont difficilement différenciables cliniquement et radiologiquement des aspergilloses invasives
    • Facteurs prédictifs de mucormycose : sinusite concomitante, prophylaxie par voriconazole, présence d'au moins 10 nodules et d'un épancement
    • Traitement : Amphotéricine B à forte dose, Posaconazole (plus récent)
  2. Autres :
    • Fusarium : champignon filamenteux particulièrement résistant aux antifongiques ; pronostic très péjoratif ; Voriconazole = option thérapeutique
    • Scedosporium : faible sensibilité à l'ensemble des traitements antifongiques
    • Dans ces cas, le traitement doit s'associer à la diminution de l'immunosuppression et à la résection chirurgicale des tissus infectés

3.4. Pneumonies parasitaires

  1. Toxoplasmose : Toxoplasma gondii
    • Donne rarement des pneumopathies, chez les patients ayant un déficit profond de l'immunité cellulaire (transplantés d'organes ou de CSH +++)
    • Mortalité élevée, de 60 à 100%
    • Les transplantés cardiaques sont les plus touchés, infection souvent transmise par le greffon (quand le receveur est toxo négatif) ; dans les autres organes, la réactivation d'une infection latente est le plus souvent en cause
    • Infection devenue rare grâce à la prophylaxie (surtout les 6 mois suivant la transplantation)
    • Clinique : peu spécifique ; dans les formes disséminées : fièvre constante, symptômes pulmonaires, et signes neurologiques
    • Imagerie : opacités nodulaires, plages en verre dépoli (hémorragie alvéolaire)
    • Diagnostic : mise en évidence de tachyzoïtes de T. gondii dans le LBA ou sur biopsie (coloration Giemsa) ; immunofluorescence directe ou PCR dans le sang
  2. Autres parasites : très rare ; contexte géographique endémique +++

4. Conclusion


Résumé basé sur :
Hussenet C, Tazi A, Bergeron A. Pathologie infectieuse pulmonaire de l’immunodéprimé (hors virus de l’immunodéficience humaine). EMC - Pneumologie 2016;13(2):1-13 [Article 6-004-A-30].
Gianella P, Gasche-Soccal P, van Delden C, Hachulla A L, Rochat T. Aspergillose pulmonaire invasive et aspergillose pulmonaire chronique. Rev Med Suisse 2014; 10: 2202-7.