====== Poumon iatrogène ====== ====== - Introduction ====== * L'appareil respiratoire est une cible non rare de la pathologie médicamenteuse iatrogène * Difficulté d'apprécier la fréquence d'atteinte pulmonaire d'un médicament donné car : * Association fréquente/difficulté de différencier d'une atteinte infectieuse * Plusieurs traitements sont souvent utilisés => difficile d'identifier l'agent causal * Clinique et histologie habituellement non spécifiques * Certains médicaments traitent des maladies qui ont elles-mêmes des manifestations pulmonaires ====== - Physiopathologie ====== * Une dose seuil semble exister pour certains médicaments (bléomycine, busulfan, nitrosurée, cyclophosphamide, chlorambucil), alors que pour d'autres, les posologies sont diverses (méthotrexate, procarbazine) * Délai d'apparition variable de quelque jours (méthotrexate) à quelques mois/années (busulfan) ===== - Mécanismes des lésions pulmonaires ===== ==== - Système oxydant/anti-oxydant ==== * Métabolites oxygénés => altérations tissulaires * Substances en cause dans l'altération de ce système : bléomycine, cyclophosphamide, carmustine, nitrofurantoines ==== - Système immunologique ==== * Altération de l'équilibre immunitaire : équilibre qui créer un état de tolérance caractéristique, qui évite les réactions non nécessaires potentiellement délétères ==== - Balance du collagène ==== * Modulation de la prolifération des fibroblastes => contrôle la quantité de dépôts de collagène * Bléomycine altère la croissance des fibroblastes ==== - Système protéase/anti-protéase ==== * Enzymes protéolytiques (élastase+++) sont produite par des cellules inflammatoires (PN et macrophages) * Les radicaux oxygénés peuvent inactiver les anti-protéases (alpha-1 anti-protéase+++) => accentue les effets des enzymes protéolytiques ==== - Système nerveux central ==== * Il contrôle en partie la perméabilité capillaire pulmonaire * Certains médicaments peuvent entrainer un œdème pulmonaire non cardiogénique par leur action sur le SNC ===== - Facteurs de risque de toxicité pulmonaire ===== * Âge (altération du système anti-oxydant) * Radiothérapie (synergie avec certains médicaments (bléomycine, busulfan, mitomycine)) * Oxygénothérapie (à forte concentration => création de métabolites réactifs, toxicité synergique avec bléomycine, cyclophosphamide, et probablement la mitomycine et carmusitine) * Association de plusieurs anti-mitotiques * Transfusion de leucocytes : pourrait favoriser la survenue de pneumonies hémorragiques très grave chez les patients sous amphotéricine B ====== - Anatomie-pathologique ====== ^ Mécanisme ^ Anatomo-pathologie ^ Principaux médicaments ^ | - Diminution des prostaglandines E2 bronchodilatatrices\\ - Inhibition de la voie adrénergique\\ - Libération d'histamine\\ - Oblitération diffuse des petites voies aériennes par du matériel inflammatoire | - Modification du tonus bronchomoteur (bronchospasme)\\ - Bronchiolite oblitérante | - Aspirine\\ - AINS\\ - Bétébloquants curares\\ - Pénicillamine (traitement de la PR) | | - Altération de la perméabilité capillaire pulmonaire par action du SNC | - Oedème pulmonaire non cardiogénique\\ - Lésions alvéolaires diffuses | - Méthotrexate\\ - Opiacés\\ - Tranquilisants\\ - Salicylés | | - Réaction d'hypersensibilité | - Pneumopathie à éosinophiles | - Aspirine, méthotrexate, nitrofurantoine, pénicilline, sels d'or, sulfamides, tétracyclines | | - Thrombocytopénie => hémorragie alvéolaire et destruction tissulaire | - Hémorragie pulmonaire | Quinidine, héparine, coumadine, nitrofurantoinde, pénicillamine, contraceptifs | | - Processus non caractéristique de réaction pulmonaire | - Pneumonie interstitielle desquamative | - Busulfan, vincristine, bléomycine, méthotrexate, adriamycine, carmustine, cyclophosphamide, nitrofurantoine | | - Infiltrat interstitiel de lymphocytes B polyclonaux, de plasmocytes et d'histiocytes | - Pneumopathie interstitielle lymphocytaire | - Nitrofurantoine, diphénylhydantoine | | - Toxicité directe\\ - Ou indirecte (mécanisme immunologique = dépôts de complexes immuns ou d'Ac cytotoxiques)\\ Des mécanismes immunologiques sont incriminés dans la pathogénèse des vascularites médicamenteuses | - Angiopathie | - Contraceptifs\\ - Produits de contraste | | - Accumulation de macrophages chargés de lipides dans les espaces aériens (exogène, par inhalation, ou endogène) | - Pneumonie lipidique | - Amiodarone (favorise l'accumulation de macrophages chargés en lipides, et hypersensibilité au médicament) | | - Lupus systémique avec polyscérite | - Syndrome lupique | - Hydralazine\\ - Isoniazide\\ - Diphénylhydantoine\\ - Pénicillamine | ====== - Étude clinique ====== ===== - TDD : Pneumonie médicamenteuse ===== * Nombreux médicaments en cause, en premier : molécules d'oncologie * Interrogatoire : préciser les médicaments pris * Clinique peu spécifique : * Fièvre, parfois élevée * Dyspnée et toux quasi-constantes, crépitants aux bases aussi * Radio : variable d'un malade à l'autre, d'un médicament à l'autre, et dans le temps chez un même malade ; toutes les images sont possible (normal -> condensation alvéolaire diffuse) * Biologie : pauvre * Éosinophilie sanguine : méthotrexate, procarbazine * LBA = examen clé : * __Alvéolite éosinophile :__ rare, parfois intense (> 40%), particulière à certains antibiotiques (minocycline), souvent associée à des signes extra-thoraciques immuno-allergiques * __Alvéolite à PNN non altérés :__ jusqu'à 40-60% de la formule, surtout lors de la phase très précoce d'une pneumopathie d'hypersensibilité ; moins marquée (5-30%) lors du développement d'une fibrose * __Alvéolite lymphocytaire T :__ * Anomalie la plus fréquente, hautement évocatrice de pneumonie d'hypersensibilité * Peuvent atteindre jusqu'à 20-70% de la formule, rarement isolés (associée à PNE, PNB, mastocytes voir plasmocytes) * CD4/CD8 < 0,5, cette inversion peut être constatée en l'absence de toute alvéolite * Rarement CD4 prédominants (nitrofurantoine, méthotrexate, BCG intra-vésical) * LBA itératif : argument de poids si normalisation après arrêt des traitements en cause (diagnostic rétrospectif) * Le diagnostic peut être porter devant un tableau compatible et la concordance avec la prise d'un médicament réputé pneumo-toxique ===== - Forme particulière : Pneumopathie interstitielle radique ===== * Notion de radiothérapie dans les semaines précédentes * Survient sur le champs d'irradiation, mais peut être aussi bilatérale * Clinique souvent bruyante : fièvre et dyspnée notamment * LBA : alvéolite lymphocytaire * Régression en moins de 2 semaines sous corticoïdes ====== - Diagnostic différentiel ====== * Infections opportunistes (immunodépression, néoplasie) * Pneumocystose (LBA = diagnostic) * Infection à CMV * Tuberculose * PID ====== - Attitude pratique ====== ===== - Malade d'oncologie ou sous immunosuppresseurs ===== * Apparition d'une image => métastase pulmonaire? infection opportuniste? iatrogène (radiothérapie, médicaments, oxygène)? * 4 gestes à réaliser rapidement, car l'évolution peut être défavorable : - **Prélèvements** périphériques et ponction transtrachéale à la recherche de pathogènes - **Fibroscopie bronchique :** * Recherche d'agents pathogènes (bactéries, protozoaires, virus et champignons) par brossage * LBA : formule et recherche de pneumocytes dystrophiques (compatibles avec le diagnostic de pneumonie médicamenteuse) * Biopsies transbronchique : examen anapath - **Antibiothérapie à large spectre** - **Bibliographie :** comparer les traitements reçus aux données de la littérature, puis confronter cela aux résultats des explorations * Si toujours pas assez de données => biopsie pulmonaire chirurgicale, qui permet un diagnostic dans 2/3 des cas * Arrêter le traitement sans délai une fois diagnostic posé * Malgré tout cela, le pronostic peut être péjoratif ===== - Malade de rhumatologie ===== * Risque d'infections opportunistes plus faible * Penser aux manifestations pulmonaires des maladies rhumatismales ===== - Malade de cardiologie ===== * Bêta-bloquants et aspirine => bronchospasme * AVK => hémorragie alvéolaires (rare, accident aux AVK) * Inhibiteurs calciques ou bêta-bloquants => œdème pulmonaire non cardiogénique (surtout si l'atteinte cardiaque n'explique pas entièrement le tableau)